Et maintenant…

6

Il y a encore cinq ans, quand on parlait de construction hors site, on évoquait l’expérimentation. Aujourd’hui, on parle de production. Une réalité qui s’impose, opération après opération. En quelques années, la filière a évolué. Elle ne se cherche plus mais s’installe, durablement, dans le paysage. Dans ce dernier numéro de votre magazine – qu’on espère préféré ! – on le mesure à chaque page : des bâtiments publics livrés en un temps record, des logements plus sobres et bas carbone, des écoles transformées sans bruit, des industriels qui innovent, d’autres qui se réinventent après les secousses. La diversité des projets dit tout de la maturité du secteur. Autres signes tangibles : les outils numériques et industriels se perfectionnent, jusqu’à vouloir construire des immeubles comme on assemble des voitures. Les bureaux d’études maîtrisent de mieux en mieux les contraintes d’assemblage et les entreprises développent des solutions modulaires – 2D, 3D – hybrides, multimatériaux. Et si le bois conserve une longueur d’avance, l’acier, le béton bas carbone et les matériaux biosourcés trouvent toute leur place. Dernier indice encourageant : maîtres d’ouvrage et architectes s’approprient ce modèle.

Le secteur du bâtiment entre donc, doucement mais sûrement, dans l’ère industrielle. Mais la bascule ne se fait pas sans heurts. Certaines structures peinent à suivre, les financements manquent et la réglementation avance à petits pas. Comme le résume l’architecte Marjolaine Bichet (BichetBertin Architectes) dans les pages Débats :« La dimension juridique et contractuelle est complexe. » Un euphémisme. Autres obstacles identifiés, hors site ou non, le marché encore fragile et une situation politique délicate. Nouvel euphémisme ! Trouver le juste équilibre entre innovation et modèle économique reste un exercice périlleux. Pourtant, ce qui frappe, quelles que soient les difficultés, c’est l’énergie du secteur. Une vraie envie d’avancer et de collaborer pour produire autrement.

L’ultime défi désormais ? La massification – autrement dit, industrialiser sans standardiser.

Stéphane Miget, rédacteur en chef