Genèse de la construction hors site #10

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Tour Ariane, une page se tourne

Premier grand prix de Rome en 1945, architecte des Trente Glorieuses, Jean de Mailly (1911-1975) est connu pour avoir établi dans les années 1950 le plan d’urbanisme du quartier d’affaires de la Défense avec Robert Camelot et Bernard Zehrfuss. Il fut aussi l’un des trois architectes – conseils de l’aménagement du quartier. À ce titre, on lui doit avec d’autres architectes le Cnit, le central téléphonique, les tours Nobel, Bellini et Ariane. Cette dernière, construite en 1975 avec l’architecte Robert Zammit, est, avec le Cnit, emblématique de son œuvre. Elle s’inscrit dans la lignée des tours de seconde génération qui s’affranchissent des règles strictes du plan directeur d’urbanisation imposé en 1964. Elle participe ainsi à la diversification du paysage architectural de la Défense.

HABILLAGE PRÉFABRIQUÉ AXÉ SUR LA PEAU DU BÂTIMEN

Concrètement, il s’agit d’une tour de 33 étages, haute de 134 mètres, de forme parallélépipédique rectangle. Sa façade nord s’ouvre de plain-pied sur la dalle. Elle reprend le plan rectangulaire des tours de l’époque et le mode constructif. Les étages s’élèvent le long d’un noyau central en béton armé, autour duquel s’organisent des plateaux libres et modulables. La façade, en béton peint gris foncé, a été réalisée selon la technique des coffrages glissants. Sa singularité provient de son quadrillage. Ainsi, sur une ossature métallique ont été installés des éléments cruciformes. Un habillage préfabriqué qui préfigure la tendance architecturale qui prévaut encore souvent aujourd’hui, axée sur la peau des édifices plutôt que sur leur expression structurelle.

à gauche : Tour Ariane existante par Jean de Mailly.
ci-dessus : Le projet Nouvelle AOM qui souligne la matérialité d’origine en transparence.

PANNEAUX PRÉFABRIQUÉS ET FENÊTRES HUBLOT

Ainsi, la façade alterne panneaux préfabriqués en béton et fenêtres hublots protégées par la seconde peau, laquelle est composée par les boucliers cruciformes en aluminium formant une robe métallique devant le béton. En 1995, 23 ans après sa construction, la tour jusqu’alors nommée Générale est renommée Ariane et opère sa première transformation avec la création d’un pavillon d’accueil de 29 mètres de long sur 27 mètres de haut sur le parvis. Après la modernisation des étages de bureaux dans les années 2000, les architectes Petraccone et Vodar agrandissent encore l’entrée en créant un hall construit sur la dalle. Avec l’ajout de boucliers en pied et tête de tour, cette rénovation a fait disparaître l’aspect tripartite originel.

TRANSFORMATION RESPECTUEUSE DE LA TOUR HISTORIQUE

Aujourd’hui, le collectif d’architectes Nouvelle AOM – Franklin Azzi, Chartier Dalix, Hardel Le Bihan – la réinterprète pour Euro Ariane SAS représentée par BauMont Real Estate et Aquila Asset Management. Une transformation douce qui respecte le bâtiment d’origine avec l’objectif de l’adapter aux besoins du XXIe siècle : usages et performances thermiques et énergétiques. Le choix du maître d’ouvrage s’est porté sur un chantier en site occupé à hauteur de 85 % – près de 4000 utilisateurs – et à un réemploi exemplaire des matériaux – 90 % du vitrage et 85 % des boucliers sont recyclés. Ce chantier inédit, tant dans ses enjeux techniques (site occupé, gestion du bruit, environnement urbain) que dans la réutilisation de l’existant, sera mené par Redman et les travaux de transformation de la façade seront réalisés par le façadier Goyer. À la livraison, en 2024, les besoins en chauffage et climatisation baisseront de 30 % grâce à l’amélioration thermique de l’enveloppe, entraînant une baisse de 21 % de la consommation énergétique des locataires. La rénovation sera labellisée Breeam RFO, niveau Very Good.

Le nouveau hall, plus transparent que l’actuel, sera construit avec une structure légère.

Le projet architectural, lui, s’inscrit dans un dialogue avec les caractéristiques structurelles (coffrages béton filant) de la tour existante. La composition classique en trois parties est retrouvée, à savoir le socle ouvert sur la Défense, le corps et l’attique. En façade, le parti pris vise à minimiser l’impact visuel des cadres rectangulaires en double vitrage et à souligner la matérialité d’origine en transparence. La nuit, l’éclairage intérieur des plateaux de bureaux révélera la forme particulière des hublots.

Les vitrages créent une double peau devant la façade porteuse en béton pour permettre une isolation thermique par l’extérieur, mettre en valeur la trame historique de la façade et augmenter l’apport de lumière naturelle avec des vitrages toute hauteur.

Le pavillon, entièrement transparent, bénéficiant de conditions de protection solaire naturelles grâce à son orientation au nord, permettra une porosité de vues et d’usages depuis l’extérieur vers l’esplanade et inversement. La trame principale du pavillon dans l’axe nord-sud suit celle de la façade de la tour. Au rez-de-chaussée, l’acoustique sera particulièrement travaillée pour assurer une ambiance intimiste, notamment grâce aux boucliers historiques de la façade, dont 290 seront réutilisés dans le hall sous forme de lustre magistral.

Stéphane Miget