
« Nous avons besoin de solutions industrialisées adaptées à la rénovation, capables de répondre à des projets de grande ampleur »
La construction hors site est soutenue dans la région Hauts-de-France par différents acteurs publics. Pouvez-vous nous expliquer comment s’organise ce soutien et pourquoi il est stratégique ? Dans les Hauts-de-France, le développement de la construction hors site bénéficie d’un portage fort de la part de l’ADEME et de la région, à travers la dynamique rev3, qui incarne la transition écologique et industrielle du territoire. Concrètement, Frédéric Motte, président de la mission rev3, a impulsé une volonté régionale de soutenir le hors site, car il représente un levier pour industrialiser et moderniser le secteur du bâtiment, tout en répondant aux enjeux de durabilité, de performance énergétique et de massification de la rénovation. Ce soutien est donc à la fois économique, environnemental et social.
Vous évoquez la massification et l’industrialisation du secteur du bâtiment. Comment le hors site répond-il concrètement à ces enjeux et quels bénéfices en tire la filière ? Le hors site, c’est avant tout une production maîtrisée et fiabilisée en usine, ce qui garantit une qualité constante des ouvrages, qu’il s’agisse de structures bois, de murs préfabriqués, de systèmes de chauffage ou de kits de façades. Cette approche permet de réduire les délais de chantier grâce au travail en « temps masqué », c’est-à-dire la production en usine en parallèle de la préparation du site. Elle offre également de meilleures conditions de travail pour les salariés du bâtiment, ce qui contribue à résoudre les difficultés de recrutement dans le secteur. Par ailleurs, elle permet de renforcer les performances énergétiques, car on peut anticiper les besoins du bâtiment et optimiser l’enveloppe et les équipements dès la conception. En résumé, le hors site propose un modèle plus fiable, plus rapide et plus sûr pour tous les acteurs.
On entend souvent dire que la standardisation est un frein à la créativité architecturale dans le hors site. Que répondez-vous à cela ? C’est une question importante. En réalité, la standardisation n’est pas synonyme d’uniformité. Certes, le hors site implique une part de modularité et de rationalisation pour rendre possible une production à grande échelle et réduire les coûts. Mais cela ne signifie pas que les bâtiments doivent se ressembler. Les modules peuvent être assemblés de façons variées, et la personnalité d’un bâtiment se joue beaucoup sur sa façade, ses toitures, ses matériaux, son aménagement intérieur… Donc il reste une grande liberté pour l’architecte et les concepteurs. D’ailleurs, beaucoup d’architectes talentueux se sont déjà emparés du hors site pour créer des bâtiments à la fois innovants et esthétiques. Là où il y a contrainte, il y a aussi de la créativité !
La région Hauts-de-France dispose-t-elle aujourd’hui d’un tissu industriel et économique suffisant pour accompagner la montée en puissance du hors site ? Oui, la région dispose déjà d’un tissu industriel solide et dynamique, même si tout n’est pas encore mature à grande échelle. On compte des bailleurs comme Vilogia, très innovant dans l’habitat social, ou des entreprises comme Création Bois Construction, TH récemment implantée près de Saint-Quentin(02), ou encore Edwood, BSM, Cambrai Charpente, Fossé et d’autres PME qui se positionnent progressivement sur le hors site. Nous avons même développé une cartographie en ligne des professionnels pour recenser ces acteurs. Cela dit, face à la demande croissante et à la concurrence (notamment de porteurs de projets extérieurs à la région), il est indispensable d’accompagner ces entreprises pour qu’elles montent en compétences et puissent répondre à des projets ambitieux, en particulier pour la rénovation énergétique par l’extérieur.
Quels défis restent à relever pour consolider ce secteur ? Aujourd’hui, même si le hors site offre des gains en qualité et en rapidité, il reste souvent plus cher qu’une construction traditionnelle, notamment lorsqu’on y intègre des matériaux biosourcés ou des isolants écologiques. Nous devons travailler collectivement à faire baisser ces surcoûts, sans pour autant sacrifier la qualité environnementale. Par ailleurs, nous avons besoin de solutions industrialisées adaptées à la rénovation, capables de répondre à des projets de grande ampleur avec des modules A,B, C, D préfabriqués, faciles à assembler même pour des PME. Enfin, la question du financement est cruciale, car les collectivités locales, les bailleurs et les entreprises doivent être soutenus pour investir massivement dans ces solutions. Il y a donc un enjeu d’innovation, de formation et d’accompagnement de toute la filière pour franchir ce cap. C’est une transformation culturelle autant qu’économique.