SÉQUENCE INTERVIEW avec Jean Jouzel

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Sans sobriété, on n’y arrivera pas

Lawn Cars, Benedetto Bufalino, Lyon, France. Réalisé avec le soutien du Consulat général de France à Québec© Stéphane Bourgeois

Ancien vice-président du groupe scientifique du GIEC, directeur de recherche émérite au CEA. Jean Jouzel a consacré l’essentiel de sa carrière à l’étude de l’évolution du climat à partir de l’analyse des glaces polaires. En 2012, il a reçu le Prix Vetlessen, considéré comme le “Nobel des sciences de la Terre et de l’Univers”. Rencontre à l’occasion de la publication de Climat, Parlons vrai, co-écrit avec Baptiste Denis, conseiller municipald e La Garenne-Colombes, en charge de la transition écologique.


Au regard des conséquences du réchauffement climatique, faut-il penser que tout est perdu ?

Non, tout n’est pas perdu car chaque demi-degré compte. Plus le réchauffement sera limité mieux cela sera pour les jeunes d’aujourd’hui. Enfin dans la deuxième partie de ce siècle car pour l’instant, les conséquences du réchauffement climatique, nous n’en sommes qu’aux prémices. Beaucoup de gens pensent que le réchauffement climatique, c’est ce qu’ils vivent aujourd’hui mais un réchauffement de 3° à 4°, ça n’a rien à voir. Par rapport aux accords de Paris, cela pose la question de la capacité à respecter les engagements. Ça reste techniquement possible en changeant le mode de fonctionnement de nos sociétés.

Pourtant, on voit bien que le monde d’après, il est comme le monde d’avant. Après la pandémie, on est reparti sur une énergie largement construite autour de l’utilisation de combustibles fossiles. D’un côté pour respecter l’objectif 1°, il faudrait diminuer nos émissions à l’échelle planétaire de 7% par an. De l’autre, ces émissions vont augmenter en réalité au moins jusqu’en 2023. António Guterres nous dit qu’elles vont encore augmenter d’au moins 15% jusqu’en 2030. Nous prenons un chemin qui nous mènera probablement autour de 3°, peut-être plus. C’est beaucoup trop pour les jeunes aujourd’hui. Il ne faut pourtant pas perdre espoir car cela reste techniquement possible. Personnellement, j’espère un sursaut d’une certaine façon.

Il faut bien comprendre qu’économiquement cette transition est inéluctable, indispensable. Les secteurs d’activité et les pays qui s’engageront de la manière la plus volontariste et la plus rapide seront ceux qui économiquement, gagneront. La difficulté réside dans la transition. Le gain économique n’est pas à 3, 4 ans. La vision, on doit l’avoir sur 10, 15, 20 ans… Si je prends l’exemple de la Chine. Une fois qu’elle a annoncé la neutralité carbone à l’horizon 2060; les États-Unis ne pouvaient pas ne pas l’annoncer car finalement le développement économique de ces prochaines décennies va s’organiser autour de la transition écologique.

On ne peut accepter l’idée d’un monde à +4° ou +5°, c’est en cela que je garde une certaine dose d’optimisme. Non seulement la transition est possible, mais elle est attractive pour les jeunes parce qu’elle induit de la recherche, des démarches novatrices, en créant en particulier de l’innovation sociale. Surtout il faut prendre garde à ne pas présenter cette transition écologique comme un repoussoir. Au contraire, je pense que pour la jeunesse, c’est quelque chose qui est vraiment attractif. En particulier, pour ceux qui veulent effectivement s’impliquer, regarder autour d’eux le monde qui les entoure.

Lorsque vous évoquez une nouvelle organisation de la société, à quoi faites-vous précisément référence ?

 (Suite de l’interview dans le magazine N°15)