Construire pour durer, ou comment résister à l’obsolescence programmée des bâtiments

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Pressés par cette société de la vitesse, les architectes sont sommés de travailler vite, et donc mal, déplore le président du groupe Franc Architectures. Résultat : la durée de vie des bâtiments s’écourte de plus en plus. Pourtant, il y a d’autres façons de faire. La construction hors site en est une.


Par Yann Daoudlarian, président de l’Agence Franc et du groupe Franc Architectures

Cela fait trois décennies que je suis architecte. Trente ans que je m’efforce, au sein de mes agences, de concilier l’idéal et le possible, la vision et la contrainte, l’ambition architecturale et les réalités de chantier. En trente ans, j’ai vu notre profession se transformer à une vitesse vertigineuse. Et avec elle, j’ai vu apparaître une tendance qui me semble profondément préoccupante : l’obsolescence accélérée du bâtiment. On parle souvent d’obsolescence programmée pour les objets du quotidien – électroménager, smartphones, automobiles. Mais qui ose vraiment appliquer cette notion au secteur du bâtiment ? Et pourtant. Nous construisons aujourd’hui comme on produit des biens de consommation : vite, souvent au moindre coût, avec des logiques d’usage limité, sans anticipation réelle de la suite. La durée de vie théorique d’un bâtiment est censée être de cinquante ans. Mais dans les faits, beaucoup d’immeubles deviennent techniquement ou fonctionnellement obsolètes au bout de vingt ans, quinze ans, parfois moins. Et quand ce n’est pas la technique, c’est la norme, ou l’usage, ou le coût d’entretien qui condamnent prématurément l’ouvrage. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi continuons-nous à dessiner, à construire, à financer des bâtiments que nous savons, dès l’origine, mal préparés pour le temps long ? Pourquoi refusons-nous collectivement de poser cette question simple mais essentielle : pourquoi un bâtiment devient-il obsolète aussi vite ? (Suite de l’article dans le magazine N°29)