Les bâtiments en bois de grande hauteur, un phénomène qui monte

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Le bois, matériau biosourcé par excellence donne des rêves de grandeur aux concepteurs de gratte-ciels. Un intérêt qui s’explique à la fois par l’évolution des techniques et le réchauffement climatique. La préfabrication des éléments à l’échelle industrielle, rend son emploi possible pour des projets qui se hissent toujours plus haut.

Le gratte-ciel HAUT, Amsterdam, par Team V Architectuur, Pays-Bas

L’utilisation du bois dans la construction a connu une résurgence depuis 1995, et particulièrement au cours de la dernière décennie. Des tours en bois s’élèvent désormais dans le monde entier. Le CTBUH (Council for Tall Buildings and Urban Habitat), organisme bien informé en la matière, note que le nombre de hauts bâtiments en bois, définis comme supérieurs ou égaux à 8 étages et déjà livrés aurait triplé sur la planète en l’espace de dix ans. L’Europe coiffe au poteau les autres nations avec 139 bâtiments de grande hauteur implantés sur le continent dont 54 sont dévolus au logement, 16 dédiés à des bureaux, 12 à usage mixte et 2 qui sont des bâtiments publics.

Grâce aux méthodes de construction hors-site, du BIM, de matériaux comme le CLT et le lamellé-collé, il est dorénavant possible de multiplier les étages et de franchir de nouveaux seuils de hauteur. Là où l’espace habitable et les surfaces à construire sont rares, ces immeubles imposants constituent une solution d’urbanisme durable pour les investisseurs. Cette croissance s’explique aussi naturellement par les qualités inhérentes au bois, matériau renouvelable capable de stocker du CO2 pendant la durée de vie du bâtiment.

Le bois présente en outre, des performances structurelles comparables à celles de l’acier et du béton, en étant à la fois plus léger et plus résistant. Il assure notamment une isolation thermique optimale et bénéficie d’un capital sympathie indéniable. Enfin, associé aux process hors-site, il limite le temps de transport, d’assemblage, ainsi que les nuisances et la pollution sur le site. En somme, il est un matériau de substitution précieux pour peu qu’il soit utilisé dans des conditions de sylviculture responsable.

Il existe à présent un large panel de constructions de belle envergure : projet « tout bois », bois-béton, bois-acier, béton-bois-acier. Toutefois, pour être qualifiés de structure « tout bois », les principaux éléments structurels verticaux et latéraux doivent être impérativement construits en bois. Si un bâtiment en bois possède un système de plancher en planches de béton, ou une dalle de béton, il sera toujours considéré comme une structure dite « en bois ».

Tour du monde des records

Tour Ascent, par Korb+Associates Architects, Milwaukee,
Wisconsin, États-Unis

De nouveaux seuils de hauteur n’en finissent pas d’être franchis ou sont en passe de l’être.

À commencer par la tour Ascent, un immeuble résidentiel gigantesque de 86,6 m et de 25 étages qui se dresse depuis le mois de juillet dans la ville de Milwaukee (Wisconsin, États-Unis). Conçue par Korb+Associates Architects et la société d’ingénierie Thornton Tomasetti pour le développeur New Land Entreprises, elle a été certifiée comme le plus haut bâtiment hybride bois-béton du monde par le Council on Tall Buildings and Urban Habitat. Technologie du bois massif, utilisation du BIM avec Autodesk Revit, aménagement et équipements de premier ordre : ce projet qui tient de l’exploit est en train de devenir le nouvel étalon dans la construction en bois industrialisée.

Cette réalisation récente éclipse le célèbre gratte-ciel en bois Mjøstårnet, situé à Brumunddal (Norvège) qui frôle les nuages depuis 2019 avec ses 85,4 m de hauteur. Cette structure en CLT de 18 étages comprend des appartements, des bureaux et l’hôtel Wood (qui porte bien son nom). Ce projet pionnier a permis de démontrer que le bois a la capacité d’offrir une alternative durable au béton et à l’acier, qui plus est en permettant un circuit court.

La tour HoHo¹ à Vienne (Autriche), imaginée par le cabinet d’architecture Rüdiger Lainer + Partner culmine à 84 m. Achevée en 2018, cette structure hybride bois-béton, se déploie sur 24 étages. Une structure qui doit beaucoup de son efficacité au mode constructif hors-site. Saluée pour sa durabilité, elle a été bâtie principalement en CLT. Et sur le plan de l’aménagement, elle rassemble des bureaux, un hôtel, un restaurant, et un espace bien-être.

Tour HoHo, par Rüdiger Lainer + Partner, Vienne,
Autriche

Le centre culturel Sara² (SARA Kulturhus) de 75 m de haut, situé à Skellfeteå (Suède), a vu le jour en 2021, grâce au travail de l’agence White Arkitekter – un studio très engagé dans les solutions pouvant avoir un impact positif sur l’environnement. Un bâtiment hybride bois-acier qui repose largement sur l’utilisation du CLT. Ce bâtiment durable à plus d’un titre, est en mesure de piéger 9 millions de kg de CO2 pendant sa durée de vie.

Le gratte-ciel HAUT Amsterdam est un immeuble résidentiel de 73 m de hauteur et de 21 étages qui vient d’ouvrir ses portes à ses habitants. Il est l’un des rares exemples de structure hybride béton-acier-bois aussi monumental. Par ailleurs, il a été certifié BREEAM Outstanding (référentiel de certification environnementale) par le Building Research Establishment Environmental Assessment Methods –une reconnaissance décernée à une poignée d’immeubles résidentiels de grande hauteur dans le monde, et le premier aux Pays-Bas à y parvenir.

Au classement mondial des bâtiments en bois les plus hauts, établi par le CTBUH, le projet bordelais Hypérion en ossature bois se situe à la 14e place avec ses 55 m de hauteur et ses 16 étages. Cette tour résidentielle hybride bois-béton-acier, première du genre en France, inaugurée en 2021 est signée par l’agence d’architecture Jean-Paul Viguier et Associés, et le groupe Eiffage. Une construction en grande partie préfabriquée qui a fait appel à plus de 1500 composants réalisés hors-site. Ses concepteurs se sont appuyés sur le BIM ce qui a valu à Eiffage d’être sacré lauréat du BIM d’or 2019.

Le train est lancé – les prochaines années vont être celles du gigantisme, voire de la surenchère. De l’Australie au Japon, en passant par l’Allemagne et la Suisse, de nouveaux projets de tours sont en cours qui devraient atteindre les 98 m, 100 m, 179 m, 350 m de haut.

Atlassian³ s’est lancé à Sydney (Australie) dans la construction d’un bâtiment en bois hybride d’une taille vertigineuse : 179 m exactement . Le nouveau siège social de l’entreprise, réparti sur 40 étages devrait fonctionner avec 100 % d’énergie renouvelable et atteindre zéro émission nette. Sa conception et sa réalisation ont été confiées aux architectes de l’agence new-yorkaise SHoP et du cabinet australien BVN. Son ouverture est prévue en 2025.

Tous ces projets de tailles inédites qui nous invitent à repenser la ville en tentant de mettre un terme à l’étalement urbain ont des points communs…

Rocket & Tigerli, par l’agence Schmidt Hammer
Lassen Architects, Zurich, Suisse

Le projet WoHo à Berlin conçu par le studio d’architecture norvégien Mad Arkitekter dont l’achèvement est prévu pour 2026, devrait mesurer 98 m de hautet comprendre 29 étages. Il figurera au sommet des tours en bois (CLT) jamais édifiées en Allemagne. Seules les fondations principales seront en béton. Il combinera différents espaces : logements, commerces, infrastructures sociales.

La Suisse n’est pas en reste avec le projet Rocket & Tigerli, une tour dotée d’une structure porteuse en bois qui va tutoyer les 100 m dans la ville de Winterthur. Imaginée par l’agence Schmidt Hammer Lassen Architects, elle sera composée de quatre bâtiments mêlant logements, résidence étudiante, restaurant, espaces commerciaux, spa, hôtel… et sera fin prête d’ici 2026. L’entreprise suisse Implenia et l’École polytechnique fédérale de Zurich, ETH, ont collaboré à ce projet afin de développer un nouveau système qui consiste à remplacer le noyau en béton par du bois, permettant de réduire le poids de chaque poutre et de construire des bâtiments en bois plus élevés.

À Tokyo, pour marquer son 350ème   anniversaire en 2041, l’entreprise Sumitomo Forestry ambitionne de construire une tour bois-acier, baptisée W350, qui devrait atteindre une hauteur totale de 350 m. Ce gratte-ciel de 70 étages abritera des logements, des bureaux, un hôtel et des commerces et devra être capable de résister aux ouragans et aux tremblements de terre pouvant survenir à Tokyo. Sa construction reportée à 2024 nécessitera au bas mot 185 000 m3 de bois.

Tous ces projets de tailles inédites qui nous invitent à repenser la ville en tentant de mettre un terme à l’étalement urbain ont des points communs : la construction hors-site, la conception numérique et la technologie du bois massif. Ils nous permettent de remettre par exemple en question l’idée reçue selon laquelle les tendances à la flexion et la légèreté du bois par rapport à d’autres matériaux seraient un obstacle à la hauteur. D’autre part, on observe que la symbiose entre le bois, l’acier et le béton rend possible la réalisation de ces structures hybrides de grande envergure. La mixité des matériaux ne doit pas être vue comme une contrainte mais perçue comme complémentaire, en s’orientant autant que faire se peut vers plus de matériaux biosourcés et géosourcés, seuls capables de limiter l’impact environnemental.

virginie speight

¹ HORS SITE # 17, International, article « L’Autriche n’en finit pas de nous surprendre »,
Tour HoHo, pp. 59-60² HORS SITE # 15, International, article « Visite guidée de la Tour Sara »,
p. 42 ³ HORS SITE # 10, Nouveau Mode, article « Un beau record », Tour Atlassian, p.45