Le savait-on assez ? L’emblématique Nakagin Capsule Tower de Tokyo, au-delà de son statut de modèle de l’architecture métabolique, était aussi en avance sur son temps dans son processus de construction. Rappel des faits.
Elle était l’un des bâtiments iconiques du métabolisme, mouvement architectural japonais (voir encadré). « Elle », c’est la Nakagin Capsule Tower, à Tokyo, de l’architecte Kisho Kurokawa (1934-2007). « Était », parce qu’elle a été démontée l’an dernier : elle ne répondait tout simplement plus aux normes sismiques et avait pâti du manque d’entretien. Dommage, car tout avait pourtant été prévu pourque les modules composant cette tour–capsules ensachées les unes dans les autres autour d’un double noyau d’acier et de béton – soient régulièrement rénovés. L’idée étant de préserver l’architecture à très long terme, ce qui n’a pas été fait. Cela dit, le démontage s’en est trouvé facilité.
L’Unesco avait bien tenté de l’inscrire au patrimoine mondial. En vain. Il n’y a apparemment pas au Japon de législation pour protéger ce type d’architecture contemporaine. Toutefois, quelques capsules seront rénovées et exposées dans des musées. Celui de Saitama, à Tokyo, en a déjà réservé une, et le Centre Pompidou a manifesté également son intérêt.
Petit retour en arrière. Construite en 1972, la tour Nakagin était la parfaite illustration du courant métaboliste, selon lequel l’architecture ne devrait pas être pensée comme fixe mais pouvant au contraire croître et se modifier au fil du temps. Une idée très contemporaine. Dans cette perspective, Kisho Kurokawa avait conçu des capsules 3D préfabriquées, on ne parle alors pas encore de module ou de construction hors-site. C’est à l’époque quasi unique.
CAPSULES AMÉNAGÉE
Concrètement, le bâtiment se tenait en deux parties : deux tours structurelles – éléments fixes en acier et en béton contenant les ascenseurs, les escaliers, les gaines techniques – et des modules habitables, capsules individuelles en acier léger. Ces dernières étaient toutes identiques, d’une surface de 10m2 (2,5x4m et 2,5m de hauteur), fabriquées et aménagées en usine, transportées sur chantier et fixées à la superstructure. Elles s’élevaient en spirale autour des superstructures et les entrées des appartements se situaient à chaque palier. Les deux tours communiquaient au niveau du cinquième étage.
Qu’est-ce que le métabolisme ? Le mouvement est né lorsqu’un groupe de jeunes architectes et designers japonais a publié un manifeste intitulé « Métabolisme : propositions pour un nouvel urbanisme », à l’occasion de la conférence mondiale du design, à Tokyo, en 1960. Parmi ses membres figuraient les architectes Kurokawa Kishô, Kikutake Kiyonori, Maki Fumihiko et Ôtaka Masato, ainsi que les designers Ekuan Kenji et Awazu Kiyoshi et le critique d’art Kawazoe Noboru. Le groupe prônait un concept de croissance organique des villes et des bâtiments sur le modèle du métabolisme cellulaire biologique, en réaction au développement de la société et à l’augmentation de la population. Les créations des métabolistes sont connues dans le monde entier comme des chefs- d’œuvre de l’architecture non occidentale. (Source nippon.com) |
Côté aménagement, les capsules, dédiées aux hommes d’affaires, étaient meublées et équipées : bloc salle de bains dans un angle à l’entrée, espace lit à l’extrémité et rangement sur les murs, avec possibilité d’installations optionnelles (congélateur, télévision, table de travail…). Elles étaient toutes climatisées et dotées d’une grande fenêtre hublot.
Dans un article sur sa démolition, Japan Magazine cite les premières lignes du manifeste du métabolisme en se demandant si cette démolition ne s’inscrit pas, finalement, au sein même du mouvement. «Métabolisme est le nom du groupe, dans lequel chaque membre propose de nouvelles conceptions de notre monde à venir à travers ses dessins et illustrations concrètes. Nous considérons la société humaine comme un processus vital et un développement continu de l’atome à la nébuleuse. La raison pour laquelle nous utilisons un mot aussi biologique, le métabolisme, est que nous pensons que le design et la technologie doivent être une dénotation de la société humaine. Nous n’allons pas accepter le métabolisme comme un processus naturel, mais nous essayons d’encourager le développement métabolique actif de notre société à travers nos propositions.» (Traduction de l’anglais)
Stéphane Miget