La France découvrait il y a un an, avec notre Magazine le monde de la construction Hors-site, les trois premières parutions vous on fait découvrir des ouvrages impressionnants dans le monde entier, mais également un véritable savoir faire Français qui ne demande qu’à s’exprimer.
Nous avons accompagné près d’une centaine de Français au Royaume Uni pour leur faire découvrir cette nouvelle approche de la construction, ils vous dirons tous ne pas être revenu indemne et pas seulement à cause de la bière.
Le premier colloque de la construction Hors-site co-organisé avec L’INES et l’ACIM à réuni près de 150 personnes qui ont découvert ou approfondi leur connaissances de la construction Hors-site, ce jour là, dans toute les bouches et sur toute les présentations le mot « Hors-site » avait droit de citer, hasard ou véritable sujet d’actualité ?
Une planète aux ressources limitées!
« Le 1er août 2018, l’humanité aura dépensé l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en une année. C’est le Jour du dépassement. Si le monde entier vivait comme les Français, ce même jour aurait eu lieu le 5 mai 2018. »Citation WWF
Depuis 30 ans les scientifiques du GIEC nous alertent sur l’évolution du climat. « Sécheresse, inondations, maladies, migrations, pénurie alimentaire, risque de conflits…
La probabilité d’impacts graves, étendus et irréversibles s’accroît avec l’intensification du réchauffement »
L’accord de Paris sur le climat signés en 2015 est le texte le plus largement et le plus rapidement signé de l’histoire de l’humanité.
Pour autant, les émissions Mondiale de CO2, après une accalmie de 3 années, repartent à la hausse, plus 2% au niveau mondial. La France organisatrice de la COP 21 ne fait pas mieux que les autres : 1,6 % d’augmentation !
Cela me rappelle l’ami du monsieur qui a fait une crise cardiaque, et lui demande : Ton médecin ne t’avait rien dit ? Et son ami de répondre : Non juste comme à chaque fois depuis dix ans, il vous faudrait perdre 15 kg et faire du sport !
Notre monde serait il au bord de la crise cardiaque ?
Comme nous le dit Nicolas Hulot, l’objectif est de passer d’une économie de Cowboy à une économie de cosmonaute ! Notre planète c’est un peu notre vaisseau !
Nous le savons tous, nous devons perdre des kilo et faire du sport. Pourtant nous ne changeons pas véritablement nos habitudes et la construction n’est pas le moindre de nos problèmes.
La construction utilise plus de la moitié des ressources de la planète!
elle génère le flux de déchet le plus important au monde.
La construction est inscrite dans une économie linéaire: On identifie un besoin. On conçoit le bâtiment, avec une vision somme toute assez définitive. Les phrases suivantes sont toujours d’actualité : « Investir dans la Pierre », « Construit en dur ». Faut il encore aujourd’hui, penser la construction comme au XIX èm siècle ? La population était alors de 1,5 Milliard pour 7,5 aujourd’hui et 10 Milliards annoncé en 2050.
Demande grandissante, ressources limitées, nous devons apprendre à faire plus avec moins. Entrer dans une économie circulaire est une absolue nécessitée !
Les avantages de la construction Hors-site pour l’environnement.
Réduction des déchets, recyclage : La construction en usine permet une meilleure gestion des matériaux et des heures. La chasse au gaspi est largement facilitée. Le recyclage est par ailleurs plus facile en usine que sur le chantier. Savez vous que nos automobiles sont recyclées à 95% minimum, alors que c’est moins de 30 % pour nos bâtiments !
Réduction des nuisances chantier : La construction Hors-site utilise avant tout des méthodes d’assemblage : Propre, rapide, efficace. Et surtout générant infiniment moins de nuisances, de bruits particulièrement. Construire Hors-site, c’est aussi et surtout beaucoup plus rapide, les durées de chantiers divisées par 2, voir plus. Sans aucun doute une des raisons principale du développement de la construction Hors-site dans les zones urbaines très denses. Allant parfois de la part des gouvernement jusqu’à une imposition de la construction Hors-site. C’est le cas à Singapour, à New York pour l’habitat abordable ou à Londres, et sans doute bientôt à Paris…
Réduction de l’impact transport :
Il est courant de penser que de transporter des modules, c’est transporter du vide. Et donc couteux en transport. En fait, c’est tout le contraire, si l’on compare deux opérations identiques, l’une construite sur le chantier, l’autre en modulaire, et bien en fait l’avantage va largement au modulaire. Le transport cumulé des matériaux et des hommes pour la construction modulaire ( y compris les matériaux et travaux pour l’usine sont réduits d’au moins 50%). On oublie souvent la valse des camionnettes nécessaires à la livraison des innombrables matériaux et hommes nécessaire au chantier, demandez au voisins ! )
Réutilisation : Les bâtiments sont de plus en plus rapidement rendu obsolètes par l’évolution des modes de vie et des règlementations, il n’est pas rare de déconstruire un bâtiment de 20 ou 25 ans d’âge ! Si la vie d’un bâtiment ne peut être allongée, ce qui est de plus en plus le cas, il est peut être possible avec la construction Hors-site, d’exploiter la vie résiduelle des éléments tels que les modules grâce à un démontage et une réutilisation, dans un autre lieu et parfois pour un autre usage, comme le dit Guillaume Hannoun Architecte, en citant ce que le sociologue Zygmunt Bauman nommait la SOCIÉTÉ LIQUIDE et qui pouvait se définir ainsi :
« Nos sociétés ne sont plus entourées de coque épaisse, qui correspondaient à la phase solide de la modernité, à la construction de la nation, à « l’enracinement et à la fortification du principe de souveraineté, exclusive et indivisible », à l’imperméabilité des frontières, aux grandes entreprises dans lesquelles on travaillait toute sa vie. Notre époque « à extériorité molle » est celle de la modernité liquide, « changeante et kaléidoscopique » du multiculturalisme et du brassage des populations, de la « dévaluation irrépressible » des distances spatiales, de l’interconnexion, des startups et du free-lance. »
Vive l’architecture liquide !
La disparition des savoir faire :
Selon une étude de l’INSEE de décembre 2017, les entreprises font face à une pénurie de main d’œuvre grandissante qui tend à s’accélérer ces derniers mois.
« En octobre 2017, la moitié des entreprises de l’industrie, des services et du bâtiment déclarent rencontrer des barrières qui les empêchent d’embaucher davantage de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de longue durée : ces entreprises freinées dans leurs recrutements représentent 50 % de l’emploi salarié total de ces secteurs » précise l’INSEE ajoutant, (…) Cette proportion atteint 70 % dans le bâtiment,
Un problème qui touche pour le bâtiment l’ensemble des catégories d’entreprises.
Selon une étude de Korn Ferry, la France serait avec l’Australie, l’Allemagne, les États Unis et le Japon dans le top 5 des pays en pénurie de main d’œuvre, il manquera en France, 1,5 millions de salariés qualifiées d’ici 2030 !
C’est particulièrement le cas dans le bâtiment, les salariés qualifiés, sur l’ensemble de la chaine de production, partent à la retraite. Malheureusement, les jeunes sont plus attirés par le numérique ou les services que par le bâtiment. Les conditions de travail sont difficiles, l’organisation du passé, les centres d’apprentissage peinent à recruter, le renouvèlement n’est plus assuré !
C’est une très mauvaise nouvelle car les bâtiments n’ont jamais été aussi complexes à construire et la formation d’un salarié qualifié dans le bâtiment, nécessite de nombreuses années.
La construction Hors-site:
Par le transfert des heures du chantier à l’atelier ou à l’usine permet une nette amélioration de la productivité. Nécessite donc moins d’heures de production et améliore considérablement les conditions de travail.
Il est important de comprendre par ailleurs, que l’industrie est très différente du bâtiment dans son organisation. Le bâtiment nécessite une main d’œuvre très qualifiée. Un savoir faire métier est indispensable pour la bonne réalisation sur le chantier des ouvrages. Les hommes sont souvent livrés à eux même et doivent par leur compétence être en mesure de réaliser des ouvrages de plus en plus complexes. Le manque de qualification entraine une des malfaçons et des couts inacceptables.
En usine, il est possible de compenser le manque de métier par l’organisation, la formation et les méthodes. C’est ainsi que l’assemblage d’une automobile est confié à des « opérateurs » industriels et non plus à des mécaniciens ou des carrossiers. Les auto produites sont pourtant d’une qualité irréprochable.
Ceci est possible dans la construction. C’est ainsi que l’usine Ossabois du Syndicat dans les Vosges, à l’origine une usine appartenant au groupe SEB/MOULINEX. Produisant des grilles pains et des mini-fours, à été transformée en usine d’ossature bois et emploie l’ancien personnel de SEB. L’usine fonctionne depuis 10 ans et à produit plus de 5 000 maisons à ossature bois avec qui plus est près de 70% de personnel féminin
La révolution numérique :
La révolution numérique est en marche. Comme nous le dit l’étude de Boston Consulting group, la bâtiment est le dernier de la classe !
La plupart des cadres du bâtiments sont équipés d’ordinateurs et de Smartphones. De nouveaux outils d’aide au chantier arrivent sur le marché. Le BIM est en fort développement, mais malgré tout, les ouvriers eux, sont très peu équipés et le plan papier reste l’interface privilégiée pour la réalisation. Compte tenu de la complexité de nos bâtiments, le plan papier est source d’erreur. Mauvaise version, manque de précision, oubli de côte, difficulté de compréhension. Ceci entraine bien sûr autant d’erreurs d’exécutions de malfaçons et de coûts.
La construction Hors-Site fait la part belle au numérique. La précision nécessaire à l’utilisation des outils à commande numérique rend nécessaire l’utilisation du dessin en trois dimensions. Le pas vers le BIM est d’autant plus facile, la construction 4.0 peut enfin devenir une réalité.
Les nouveaux entrants :
De nouveaux acteurs arrivent sur le marché, et cherchent à apporter dans le monde de la construction ce qu’ils ont réussi dans d’autres domaines. C’est le cas de Michael Marks ex PDG de Flextronics International Ltd., un fabricant d’électronique qui figure parmi les plus grands fournisseurs mondiaux de technologies. Si vous possédez un iMac, une Xbox ou une imprimante HP, Flextronics l’a probablement construit.
En février 2015, Michael Marks fonde KATERRA s’associe avec Fritz Wolff, grand nom de l’immobilier aux USA et Jim Davidson. Spécialiste des financements à effet de levier.
Leur vision :
Disrupter l’immobilier et la construction ! Pour ce faire, ils recrutent une centaine d’architectes et ingénieurs. Installent une organisation intégrée verticalement, avec une vision radicalement digitale et Hors-site.
Une de leur phrase clé : Chez Katerra, il n’y aura pas de bâtiment qui soit un prototype. Ils sont convaincu que le choix à l’infini n’a aucun sens !
En Mai 2016 Katerra lance son premier projet de 120 logements basé sur cette nouvelle vision et organisation.
Février 2017 l’usine de Phoenix commence la production, en avril, Katerra achète le promoteur immobilier United rénovations.
juin Katerra ouvre son bureau d’ingénierie en Inde. En décembre ils inaugurent une usine de 23 000 m2 de production de CLT.
En janvier 2018, Katerra lève 865 Millions de dollars auprès de Softbank. Et enclenche un développement spectaculaire comme seule les startup savent le faire !
Mai, achat de Fields développement ( Côte Est), achat de Michael Green Architecture ( Vancouver) , achat de Lord Aeck Sargent (6 agences design & architecture) et enfin en juillet 2018, achat de KEF INDRA en Inde avec annonce de la construction d’une gigantesque usine de construction Modulaire capable de produire 5 000 maisons par an !
Le résultat : 3 ans d’existence, 3 500 collaborateurs, un carnet de commande de 3,7 milliards de dollars pour une valorisation à 3 Milliards !
On pourrait également citer Sidewalk Labs. L’unité d’innovation urbaine d’ALPHABET (Google) qui à acheté un terrain de 325 hectares pour son projet de ville du futur situé sur le front de mer à TORONTO. Celui ci sera avec plus de 3 000 logements, d’après Larry Page la plus grand développement au monde de construction bois de haute technologie.
Sidewalk Labs a consacré 50 Millions de dollars à la conception du projet.
Conclusion :
La construction Hors-Site, répond sans aucun doute aux enjeux de demain, mais de nombreux défis sont à relever. Les réticences sont grandes, les réglementations, faites pour une organisation de chantier devront évoluer. Les mentalité également, plutôt d’ailleurs celle des nombreux acteurs de la construction que celle des clients. Qui de plus en plus sont en recherche de l’usage et moins de la propriété.
Est ce que nos enfants voudront encore vivre dans la maison de leurs parents ou grand parents ? Rien de moins sûr !
Pascal Chazal