Par oรน commencer ? Le dรฉfi est gigantesque mais il est une certitude : nous nโy arriverons quโen repensant fondamentalement nos modรจles et modes de vie et cela passe nรฉcessairement par repenser les bรขtiments et la ville, et lโusage que nous en faisons. La ville รฉtant ร elle seule responsable de prรจs de 70% des รฉmissions de gaz ร effet de serre, et le bรขtiment et le transport conjuguรฉs reprรฉsentant ร eux seuls 75% de la consommation รฉnergรฉtique mondiale.

Nos villes et territoires se sont bien trop dรฉveloppรฉs dans les derniรจres dรฉcennies sans rรฉelle prise en compte de la prรฉcaritรฉ des ressources et sans souci dโoptimisation des bรขtiments ou des voitures utilisรฉes en moyenne respectivement 33% et 5% de leur temps. Il est temps de revoir notre modรจle dโurbanisme et de rapprocher les activitรฉs et les services des usagers. Cโest ร mon sens le meilleur moyen de rรฉduire lโempreinte carbone des villes et de redonner ร chaque citoyen le temps nรฉcessaire ร son รฉpanouissement personnel en sociรฉtรฉ. A ce titre, le numรฉrique est une opportunitรฉ. En effet, avec les plateformes de services, il est dรฉsormais possible de partager en temps rรฉel un espace ou une mobilitรฉ avec une parfaite traรงabilitรฉ de lโusage. Alors mรชme que bon nombre dโactivitรฉs et de services peuvent รชtre dรฉsormais dรฉportรฉs au moins partiellement grรขce au numรฉrique [tรฉlรฉtravail, e-Santรฉ, e-learning, e-commerceโฆ] nโest-il pas temps de repenser lโamรฉnagement du territoire pour plus de proximitรฉ, de mixitรฉ et de frugalitรฉ et de diluer progressivement les nombreux ยซ ghettos ยป de notre sociรฉtรฉ [lieux oรน l’on dort, oรน l’on travaille, oรน l’on commerce, oรน l’on รฉtudie…] souvent trรจs distants les uns des autres et ร lโorigine de dรฉplacements pendulaires de population coรปteux en temps et en รฉnergie.
Nous aspirons tous ร des espaces de vie ร taille humaine regroupant tout ou partie des activitรฉs nรฉcessaires ร notre vie quotidienne. Il est temps de retourner ร des fondamentaux et de sโinspirer de la ville du moyen-รขge ou de lโantiquitรฉ. Cโest aujourdโhui possible en sโappuyant notamment sur le numรฉrique. Sans remettre en cause totalement lโorganisation actuelle de notre sociรฉtรฉ, il est dรฉsormais rรฉaliste dโรฉvoluer progressivement vers plus de collaboratif en mรฉlangeant espaces privatifs et partagรฉs, et bรขtiments dรฉdiรฉs ร une activitรฉ : Hubs, avec des bรขtiments multi-usages : Satellites. Parlons dรฉsormais de Building as a Service [BaaS] et Mobility as a Service [MaaS]. En effet, grรขce ร des plateformes de services ร lโรฉchelle dโun bรขtiment, dโun quartier ou dโune commune, portรฉes par des opรฉrateurs de service dont le champ d’action et la gouvernance restent encore ร dรฉfinir clairement, il devient alors possible de redessiner progressivement lโorganisation du territoire dans une dรฉmarche plus durable et plus sociale. Nous entrons dans lโรจre du
Coworking, du Coliving ou du Carsharing et nous pouvons trรจs vraisemblablement รฉtendre cette tendance ร dโautres activitรฉs comme la santรฉ, lโenseignement, la culture, le commerce, etc. Concernant le logement, il est รฉgalement concevable dโassocier espaces privatifs et espaces partagรฉs ร lโรฉchelle dโun bรขtiment et dโun quartier. Cette modularitรฉ
doit permettre d’apporter une plus grande flexibilitรฉ des espaces et de rรฉduire ainsi le coรปt ร lโusage. Partager une piรจce pouvant รชtre le jour un espace de travail et la nuit un espace de sommeil est possible pour autant que les รฉquipements et lโorganisation en place le permettent. Rรฉduire les espaces privatifs doit aussi permettre de redonner la possibilitรฉ ร des personnes nรฉcessiteuses de demeurer ร proximitรฉ de leur activitรฉ professionnelle tout en recrรฉant les conditions pour plus de lien social.
Cette รฉvolution nรฉcessite bien entendu de repenser les bรขtiments et de faire รฉvoluer certains bรขtiments existants vers plus de modularitรฉ des espaces. Il est รฉvident que cela ne se fera pas dโun claquement de doigt mais cette รฉvolution semble inรฉluctable portรฉe notamment par la rรฉvolution des usages et lโรฉvolution progressive dโusages dรฉcorrรฉlรฉs de la propriรฉtรฉ. De nouvelles offres de services doivent รฉmerger progressivement associant des usages multiples. Ces offres รฉtant potentiellement beaucoup plus รฉconomiques et moins contraignantes que lโexistant, il est probable quโelles contribuent ร accรฉlรฉrer cette transition. Des expรฉrimentations sont dโailleurs dรฉjร en cours sur des quartiers pilotes ร Toronto ou ร Vancouver avec Google ou Amazone.
Dans le mรชme temps la mobilitรฉ qui devient รฉlectrique va รฉvoluer progressivement vers une mobilitรฉ plus partagรฉe, multimodale, le vรฉhicule devenant un pรฉriphรฉrique du bรขtiment, vecteur de mobilitรฉ mais รฉgalement dโรฉquilibrage du rรฉseau รฉlectrique [Smartgrid] par rรฉinjection de lโรฉlectricitรฉ stockรฉe dans les batteries dans le rรฉseau en pรฉriode de pointe pour limiter les pics de consommation. Lร encore il sโagit dโune รฉvolution majeure qui va encourager progressivement la production et le stockage dโรฉnergie ร lโรฉchelle locale en complรฉment dโun rรฉseau centralisรฉ. Cette notion dโhybridation pour la production et la distribution de lโรฉnergie devrait รชtre suivie par lโeau et le traitement des dรฉchets.
Ces quelques exemples dรฉmontrent bien la mutation profonde que nos villes devraient connaรฎtre dans les 10 annรฉes ร venir. Elle va impacter aussi lโensemble du territoire avec leur rรฉรฉquilibrage possible et surtout souhaitable en rapprochant les services. Se pose alors le problรจme de lโexistant. Comment reconstruire la ville sur la ville sans perturber durablement la qualitรฉ de vie des rรฉsidents ? En effet les mรฉthodes traditionnelles de construction ne permettent pas cette รฉvolution sans gรฉnรฉrer des traumatismes majeurs avec par ailleurs une contrainte de temps. Dans ce contexte la construction 4.0 a toute sa place et va รชtre un moteur clรฉ de cette mutation. Il y aura bien รฉvidemment des destructions de bรขtiments non adaptรฉs ni adaptables ร ces nouveaux usages mais dans ces cas, le processus de reconstruction pourra รชtre beaucoup plus rapide et durable par lโutilisation de la maquette numรฉrique et lโusage de matรฉriaux plus respectueux de lโenvironnement comme le bois. Il doit รชtre รฉgalement possible de rรฉutiliser une partie des matรฉriaux dans un processus global de prรฉfabrication. Dโautres bรขtiments seront juste rรฉnovรฉs et cette fonction devrait voir lโavรจnement dโun nouveau mรฉtier autour de cette expertise visant ร optimiser lโusage dโun bรขtiment.
Dans tous les cas, le monde de la construction doit sโadapter ร cette รฉvolution par une industrialisation de ses processus permettant entre autres la prรฉfabrication hors-site pour un assemblage sur site avec une rรฉduction des dรฉlais et de lโempreinte carbone sur la globalitรฉ des projets. La conception elle-mรชme doit รฉvoluer fonciรจrement en intรฉgrant cette notion de flexibilitรฉ confรฉrant aux bรขtiments une plus grande adaptabilitรฉ ร des usages multiples dans le temps. Les usages รฉvoluent, les bรขtiments et la ville doivent sโadapter. Ce nโest pas demain ou aprรจs-demain, cโest maintenant !