Lucile Vigneron et Coline Vinçon, co-fondatrices de l’Agence De Plus Belle témoignent de cette nouvelle génération d’architecte qui s’empare du mode de construction Hors-site.
Vous avez créé l’agence De Plus Belle architectes en 2019, qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure ?
De Plus Belle est née de notre volonté commune de relancer notre pratique architecturale, inscrite dans une dynamique de renouveau de la profession. Nous étions portées par la volonté de produire une architecture qui nous ressemble : simple, décomplexée, positive et à l’écoute des problématiques actuelles, tout en adoptant notre propre modèle d’exercice de la profession. Nous souhaitions retrouver de la cohérence et de l’éthique dans notre pratique.
La région lyonnaise est-elle un lieu fécond pour votre travail d’architecte ?
Aujourd’hui, notre activité se concentre essentiellement sur le territoire de la Métropole lyonnaise et plus largement la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce qui prouve que notre vision est partagée par un ensemble d’acteurs. Par ailleurs, il nous paraît plus logique et cohérent d’intervenir sur un territoire que nous connaissons bien ; nous sommes particulièrement attachées à notre ancrage local. Pour autant nous ne nous inter[1]disons pas l’élargissement de ce périmètre, tant que cela garde du sens.
Quelle est votre perception de la construction Hors-site ?
Pour nous, il s’agit d’un mode constructif à part entière, qui vient s’ajouter au panel des outils de l’architecte. C’est un formidable terrain de jeu, qui est trop souvent stéréotypé et assez peu exploré à notre sens. Il permet de répondre à des enjeux éminemment actuels : réduction des émissions de carbone, optimisation des délais de construction, réduction des coûts, réduction des nuisances du chantier, réduction des déchets et des besoins en ressources naturelles, possibilités de réemploi, etc. Tout cela sans pour autant brider la créativité de l’architecte. Le Hors-site répond aussi à des besoins émergents de notre société, qui ont participé à son fort développement ces dernières années :des programmes transitoires ou encore le besoin d’évolutivité rapide des bâtiments.
Vous avez été mandatées pour le projet de la bibliothèque universitaire provisoire de l’Université Lumière Lyon 2. Quelle est sa nature ?
Ce projet s’inscrit dans un contexte de renouveau du campus Porte des Alpes, construit dans les années 1970. L’Université Lumière Lyon 2 porte un projet de construction d’un Learning Centre en lieu et place de la bibliothèque universitaire actuelle. Dans l’at tente de la finalisation de ce projet, la mise en place d’une bibliothèque provisoire s’est imposée. Le programme prévoyait une salle de lecture pouvant accueillir 70 000 ouvrages et environ 160 étudiants, ainsi qu’une vaste zone de bureaux pour l’ensemble du service documentaire, sur une surface totale de 1 725 m2.
Quelles étaient les contraintes ?
La contrainte principale a été la gestion du planning afin de répondre à l’urgence du besoin. Les études ont été menées en 6 mois, et suivies de 5,5 mois de travaux : un vrai challenge, relevé grâce au concours de l’ensemble des acteurs de l’opération. Cela est d’autant plus à souligner que le chantier a démarré en plein milieu du premier confinement. Ensuite, nous avons eu à cœur de conserver sans cesse une cohérence entre la qualité architecturale que nous souhaitions pour ce bâtiment, la maîtrise technique du mode constructif et celle des coûts et des délais.
Quel a été votre parti pris architectural ?
Le campus est construit autour du concept d’une rue intérieure qui le traverse de part en part. Le projet s’inscrit dans la continuité de cette colonne vertébrale qui traverse également la bibliothèque. Elle accueille la zone de consultation des ouvrages et bénéficie de modules de réhausse, permettant des hauteurs sous plafond plus conséquentes que dans le modulaire traditionnel, des apports de lumière naturelle et des traitements architecturaux poussés. Nous avions aussi à cœur de proposer des espaces extérieurs qualitatifs. La biblio[1]thèque intègre un patio en son centre, source de verdure et de lumière. En prenant en compte le budget alloué à l’opération, nous avons concentré les inter[1]ventions sur les points clés que nous avions identifiés, dont la façade principale qui a été le lieu d’un travail spécifique sur les notions de transparence et de porosité.
Le projet est-il construit entièrement en construction modulaire ?
Le clos et couvert est entièrement réalisé en construction modulaire, et notamment l’ossature, les façades et les modules de réhausse. Nous avons pris le parti de faire réaliser la majorité des finitions intérieures in situ pour des questions de qualité et de perception des espaces mais aussi parce que c’était la meilleure solution en réponse aux impératifs de délai.
Quels ont été les principaux matériaux utilisés ?
Les modules sont en structure acier avec des façades en panneaux sandwich métalliques également. Pour des questions de respect du budget, nous nous sommes concentrées sur la qualité des finitions intérieures et de la façade principale et avons conservé ce matériau typique de la construction modulaire, en jouant sur la teinte et le calepinage des panneaux. Pour la façade principale, nous avons utilisé le polycarbonate pour ses qualités de transparence, de lumière et de couleur. À l’intérieur, nous avons travaillé sur les ambiances de la zone de consultation, mise en valeur par des jeux de lumière, le rythme des longerons des réhausses, le choix des luminaires et les habillages bois des cloisons de séparation des bureaux.
Quelles sont les performances techniques de ce bâtiment ?
Le point le plus inédit que nous avons mis en place sur ce projet est la mise en œuvre de modules de réhausse permettant d’offrir une double hauteur dans la zone de consultation. La réhausse est un réel parti pris architectural, qui donne toute son identité au projet, qui profite à la volumétrie extérieure comme aux ambiances intérieures. C’est également un moyen de tirer parti au maximum du système constructif modulaire en repoussant plus haut ses limites au service de l’architecture.
La construction modulaire a-t-elle été un atout ?
Il faut préciser que le bâtiment a un usage provisoire de biblio[1]thèque mais qu’il a vocation à demeurer dans le temps avec d’autres usages ultérieurs. En cela, la construction modulaire a permis de répondre à un besoin urgent de court terme mais permettra également à moyen et long terme de s’adapter à ses futurs usages. Le bâtiment a été pensé pour pouvoir être aisément reconfiguré. Cependant, pour que la construction modulaire s’impose comme une évidence, elle doit être maîtrisée et apprivoisée dès la conception, pour devenir un véritable terrain de jeux pour les architectes. Et c’est ce que nous pensons avoir réussi à faire pour cette opération.