La massification de la rénovation énergétique passe par le hors-site

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Au rythme actuel, il faudrait trois siècles et demi à la France pour atteindre ses objectifs de rénovation énergétique dans le résidentiel…

Pascal Chazal
CEO de PATCH CONSEIL


La construction porte une lourde part de responsabilité des émissions de gaz à effet de serre : le béton à lui seul représente 8 % des émissions (selon McKinsey, 2016). Alors, il va falloir changer, apprendre à construire moins, à rénover plus, à utiliser moins de béton et plus de matériaux biosourcés. L’enjeu est maintenant d’être frugal, d’arrêter de puiser sans fin dans nos ressources pour, au contraire (ré)apprendre à réutiliser, à réemployer, à utiliser les matériaux au plus juste, à réduire de manière drastique les gaspillages de matériaux de main-d’œuvre et d’énergie. Nous devons apprendre à vivre sur une planète aux contours finis, avec une vision d’économie circulaire.

Réhabilitation à « énergie 0 »
de 160 logements en site occupé,
Redcat architecture/EnergieSprong,
à Wattrelos

Dans la construction neuve, la réduction du nombre de constructions sera sans doute inévitable ; il faudra pourtant assurer les fonctions nécessaires de logements et continuer d’accueillir dans de bonnes conditions les institutions, les écoles, les hôpitaux, etc. Mais l’essentiel n’est pas dans la construction neuve, qui ne contribue à renouveler chaque année que 1 % environ du parc existant. La rénovation énergétique du parc ancien est l’enjeu majeur du secteur ! Il s’agit cependant d’une tâche d’une ampleur titanesque, les chiffres donnent le vertige :

  • L’Union européenne compte au total 260millions de logements, et 40 % de notre consommation énergétique.
  • Pour aligner notre parc immobilier sur nos objectifs climatiques (réduction de 55 % de nos émissions de GES en 2030 et atteinte de la neutralité carbone en 2050), les besoins de financement sont estimés à 300 milliards d’euros par an dans la rénovation énergétique.
  • Pourtant en France, pays le plus engagé dans ce domaine avec l’Allemagne, seuls 50 000 logements font l’objet d’une rénovation permettant d’atteindre le niveau BBC (bâtiment basse consommation) chaque année. Là où la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe à 370 000 logements l’objectif de rénovations complètes par an entre 2022 et 2029, puis à 700 000 par an entre 2030 et 2050 (source : association Agir pour le Climat).
© REDCAT ARCHITECTURE

Au rythme actuel, il faudrait trois siècles et demi à la France pour atteindre ses objectifs de rénovation énergétique dans le résidentiel… Aucun doute, il nous faut changer de braquet ! Nous ne pourrons pas nous satisfaire de la production actuelle, sous peine de voir le réchauffement climatique s’embraser et la vie devenir impossible sur notre bonne vieille Terre. Et ne croyez surtout pas que les autres secteurs vont s’en occuper : nous sommes tous logés à la même enseigne.

Sur le volet énergie, un rapport du Réseau de transport d’électricité (RTE), par exemple, nous explique que nous allons avoir besoin d’un mix énergétique utilisant toutes les énergies, que nous allons devoir développer massivement les énergies renouvelables (solaire, éolien), mais également construire de nouvelles centrales nucléaires si nous voulons réussir à nous passer des énergies fossiles.

L’emploi est sans aucun doute ce qui va le plus faire défaut pour réussir la massification de la rénovation énergétique. Même si l’argent pour rénover est là (on peut se féliciter de l’effort financier des pouvoirs publics), encore faut-il des bras pour réaliser ces rénovations ! La rénovation classique exige une main-d’œuvre très qualifiée ; or, un grand nombre des ouvriers qualifiés du bâtiment arrive à l’âge de la retraite et il faut des années pour former un ouvrier qualifié dans le bâtiment. Il est donc nécessaire de trouver d’autres solutions pour rénover.

Rénovation de 10 logements
individuels, EnergieSprong, à Hem
Hauts-de-France.

Des usines vont fermer, des emplois sont en danger

C’est ici que la construction hors-site et la préfabrication prennent tout leur sens, avec la production de façades, de modules énergie, de kits de préparation, de toitures préfabriquées. Il est possible de produire dans une usine des éléments à très forte valeur ajoutée pour la rénovation, dans de bien meilleures conditions que celles du chantier, améliorant ainsi la productivité et la qualité, réduisant les coûts de production tout en rendant possible l’utilisation d’une main-d’œuvre non qualifiée en bâtiment.

Alors, pourquoi ne pas pour la rénovation les emplois des industries qui se préparent à entrer dans de fortes zones de turbulences, comme l’industrie automobile ? Avec le développement de la mobilité électrique et de l’autopartage, l’automobile se prépare à réduire ses effectifs de près de 100 000 emplois d’ici 2035. Des usines vont fermer, des emplois sont en danger.

Transformons les usines de l’automobile, sauvons les emplois. Apprenons à y produire des éléments pour la rénovation et bénéficions de l’ADN du lean management et du lean manufacturing. Profitons des formidables opportunités du hors-site et du numérique pour massifier la rénovation énergétique et, ainsi, réussir notre transition bas carbone, réduire notre dépendance aux importations d’énergies fossiles, tout en réindustrialisant la France!