Comment allons-nous construire demain ?

2023

L’augmentation du prix des matériaux et de l’énergie conjuguée à la disparition de la main-d’œuvre qualifiée nous pose la question suivante : comment allons-nous construire demain ?

Pascal Chazal
CEO de HORS SITE Conseil

LES POUVOIRS PUBLICS CONSIDÈRENT DE PLUS EN PLUS LE HORS-SITE COMME L’AVENIR DE LA CONSTRUCTION

Il ne fait plus aucun doute que les choses vont se durcir dans de nombreuses métropoles du monde au cours des prochaines décennies. Selon les estimations de l’ONU, d’ici 2050, 7 milliards de personnes vivront dans les villes. De nouvelles agglomérations aux proportions inédites voient le jour : il existe actuellement plus de trente mégapoles de plus de 10 millions d’habitants. L’espace de vie disponible devient donc une denrée de plus en plus rare. Selon une analyse du Forum économique mondial, 1,6 milliard de logements supplémentaires seront nécessaires dans le monde au cours des trente prochaines années.

Daiwa House Modular Europe, maisons temporaires parasismiques (Pays-Bas)

Un tournant s’est également amorcé dans de nombreux centres urbains : les urbanistes veulent s’éloigner du concept de ville envahie par les voitures et créer des cités plus vertes et plus durables. Dans le même temps, nos exigences envers les bâtiments augmentent : plus intelligents, ils devraient être plus économes en énergie, mais ils doivent également être évolutifs. Nous devons également anticiper leur fin de vie en réfléchissant au remploi de leurs matériaux qui seront réinjectés dans le circuit de la construction.

Les logements abordables sont au centre de la question : comment offrir des logements à des gens normaux avec des revenus normaux ? La disparition en France de Maisons Phénix qui, depuis soixante-dix ans, savait offrir des logements abordables au plus grand nombre nous interroge sur notre capacité à répondre aux besoins vitaux de nos concitoyens.

La rénovation thermique des bâtiments est par ailleurs le challenge de la décennie : il faut réaliser chaque année en France plus de 700 000 rénovations globales performantes pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Comment faire dans un contexte où la main-d’œuvre qualifiée disparaît, ou une étude de l’IFOP montre que « 60% des sondés déclarent qu’ils préféreraient gagner moins et avoir davantage de temps libre, alors que ce chiffre était de 37% en 2008 et de 41% en 2001 » ?

Usine de Lindbäcks à Haraholmen (Suède)

Comment allons nous construire demain ?

L’augmentation du prix des matériaux et de l’énergie conjuguée à la disparition de la main-d’œuvre qualifiée nous pose la question suivante : comment allons nous construire demain ?

Les méthodes traditionnelles manquent de productivité et de toute évidence elles ne réussiront pas à répondre aux immenses enjeux des prochaines décennies. Partout dans le monde, la construction hors-site est plébiscitée et c’est aujourd’hui le tour de la France.

La plupart des acteurs l’ont compris : on ne peut plus tout faire sur le chantier, il faut apprendre à faire en usine. Mais les freins sont nombreux : n’allons-nous pas perdre notre âme de bâtisseur ? Allons-nous atteindre les objectifs de budget et de marge ?

Le changement est important, car il est structurel et organisationnel : il faut en effet apprendre à conjuguer le meilleur du bâtiment et de l’industrie. Ceux qui l’ont compris nagent dans un océan tout bleu. C’est le cas de nos amis anglais de Tide Construction et de Vision Modular Systems : aidés du cabinet d’architectes HTA Design et du bureau d’études MJH, ils démontrent admirablement le succès de ce nouveau modèle. En bâtissant deux fois plus vite et avec deux fois moins de nuisances des bâtiments urbains dont l’empreinte carbone est réduite de 45%, ils gagnent de nombreux marchés au cœur des villes face à la construction classique.

BoKloc, bâtiment modulaire en kit initié par Ingvar Kamprad, le fondateur d’Ikéa

Ils détiennent d’ailleurs le record mondial de construction modulaire avec cinquante étages et ont gagné le Grand Prix de la catégorie structurelle à Woodrise. Si l’on peut réaliser des gratte-ciel avec la construction hors-site, on peut également construire des projets plus modestes et répondre à de nombreux besoins, comme celui des logements abordables. C’est ce qu’ont fait les Suédois en baissant le coût de construction de 25% avec BoKlok pour le marché privé, et Kombohus pour le logement social.

À nous de jouer pour que la construction hors-site fasse la démonstration en France de sa pertinence.