Dominique Renard-Brazzi, fondatrice d’AFLEYA
Aujourd’hui, plus que jamais, nous choisissons de mettre en avant Dominique Renard-Brazzi, une femme qui se mobilise concrètement pour des changements profonds et salutaires du secteur de la construction.
Par Virginie Speight
Quelles sont les grandes étapes qui ont jalonné votre parcours ?
Je suis ingénieure diplômée de l’École Centrale Lyon et ma marque de fabrique est d’une part d’aimer résoudre et simplifier des problèmes complexes et d’autre part de développer l’intelligence collective. J’ai une carrière hybride automobile/construction : j’ai passé 17 ans chez Renault et cela fait maintenant presque 12 ans que je me consacre au secteur du bâtiment. Le démarrage de mon parcours professionnel s’est fait chez Renault en fabrication. Pendant 5ans, en tant que chef d’atelier de fabrication à Douai, j’ai participé au lancement de la première Mégane et du premier Scénic. J’ai pris la responsabilité d’un atelier de 150 personnes et j’ai pu développer des compétences managériales essentielles et un goût du travail collectif qui ne m’a jamais quitté. J’ai eu la chance également d’être en fabrication au moment où le Lean arrivait dans les usines Renault sous l’impulsion du patron de la fabrication de Renault, Michel Gornet. Cela a marqué le reste de ma carrière.
Ma passion pour le Lean vient de là. J’ai ensuite passé 4 ans en tant que responsable des études logistiques des pièces dans les projets des nouveaux véhicules. J’y ai découvert le mode projet et son efficacité, en particulier sous la direction de Carlos Tavares alors directeur de projet véhicule… Le Lean arrivait d’ailleurs à cette époque dans les projets avec le développement de l’ingénierie concourante. J’ai ensuite rejoint les achats de Renault puis l’organisation des achats de Renault-Nissan. Responsable de familles d’achats pour Renault et pour Nissan, j’y ai découvert le mode de pensée japonais qui est totalement différent du cartésianisme occidental. Réussir à manier et combiner ces deux modes de pensée ouvre de nouveaux leviers de performance. Cela m’a permis encore d’approfondir mon apprentissage du Lean. En 2010 a eu lieu un véritable tournant dans ma carrière, car j’ai rejoint le secteur de la construction. Alain Dinin avait rencontré le directeur de programme de la Logan et avait décidé de lancer un projet d’innovation du même type dans l’immobilier résidentiel : faire des logements 30% moins chers pour les primo-accédants.
Il s’agissait de transposer les approches industrielles automobiles au secteur du bâtiment. Nous sommes repartis de zéro en appliquant le mode projet « à la Renault » pour créer une gamme de bâtiments résidentiels incluant préfabrication, modularisation et standardisation, mixité de matériaux. En 2014, j’ai rejoint le groupe GEOXIA constructeur de maison individuelle : direction des fonctions transverses et en 2015 le plan de transformation du groupe. Le digital arrivait enfin dans le secteur et ouvrait de nouvelles perspectives pour son industrialisation et l’application du Lean pour son efficacité. J’y ai beaucoup appris sur la conduite du changement nécessaire à la digitalisation. Et en 2019, j’ai décidé de créer AFLEYA pour contribuer autrement à la transformation du secteur. Ce projet entrepreneurial est la synthèse de mes apprentissages que je souhaite mettre au service du défi environnemental du secteur de la construction.
Être une femme a-t-il été un frein dans votre carrière ?
Non pas vraiment. Chez Renault en tout cas, où je suis restée 17 ans, ce n’a jamais été le cas. Je peux partager avec vous une anecdote assez significative du management de Renault sur le sujet : j’ai été proposée à un poste clé de la direction des achats alors que j’avais des enfants en bas âge. J’ai évoqué avec la direction mes contraintes horaires le soir. La réponse a été parfaite : « Ce que l’on te demande, c’est de la performance, pas de la présence au bureau. »
J’ai pu donc m’organiser comme je le souhaitais et atteindre les objectifs de performance demandés. Ce type de management est favorable à la féminisation des entreprises. J’espère que la crise sanitaire a au moins servi aux manageurs et aux dirigeants d’entreprise qui en doutaient à intégrer que le temps de présence physique au bureau n’est pas le bon critère de performance des organisations et des individus. Il faut savoir bien définir les objectifs de ces collaborateurs et les coacher si nécessaire. Cela s’apprend…
Qu’est-ce qui a motivé chez vous la création de la start-up AFLEYA en 2019, quel a été le but premier ?
Le secteur de la construction est un secteur qui fait face à des mutations et des questionnements multiples et complexes. Il est absolument nécessaire…(Suite de l’interview dans le magazine N°16)