Au Japon, pays des fragiles haïkus et de l’éphémère beauté des cerisiers, les maisons ne sont pas conçues comme des forteresses. La faute peut-être à la longue série de catastrophes naturelles endurées par les habitants de l’archipel…qui depuis élèvent l’architecture de l’impermanence au rang des Beaux-Arts.
Par Jean-Marie Hosatte
Le mythe de Namazu n’est qu’une expression parmi des milliers d’autres du cycle de catastrophes, destructions, reconstructions et renaissances qui sont à la base de la culture japonaise. Au fil des siècles, aucune ville n’a été épargnée par les incendies, les tremblements de terre, les typhons et les inondations. Le Japon est le seul pays à avoir subi deux bombardements atomiques. Presque toutes les générations de Japonais ont subi une catastrophe qui a ravagé des dizaines de milliers de foyers. Si toutes les chroniques familiales avaient été tenues depuis que la nation japonaise s’est constituée, elles ne seraient pour la plupart qu’une liste interminable de destructions et de reconstructions. Cette conscience aiguë de l’imminence de la catastrophe contamine les relations que les Japonais entretiennent avec les maisons qu’ils habitent.
La vertu des éléments préfabriqués
Par la force des cataclysmes, rien ne leur semble plus éphémère que la maison qui les abrite. À quoi bon s’attacher à une chose que la prochaine folie de Namazu transformera en un amas de gravats ? À quoi bon chercher à se montrer original en reconstruisant une maison dont le destin est d’être détruite avant même d’être transmise en héritage à la génération suivante ? C’est pour cette raison que depuis que l’on construit des maisons au Japon, leur reconstruction après un incendie, une inondation ou un tremblement de terre, ne s’est jamais beaucoup écartée de la tradition. On reconstruit presque à l’identique, une maison qui connaîtra fatalement le même sort que toutes celles qui ont été détruites catastrophe après catastrophe. Ce détachement face aux coups du sort qui abattent les maisons, est une vertu exaltée par…(Suite de l’article dans le magazine N°25)