Le hors-site, le bon recours pour l’isolation

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Les procédés d’isolation thermique par l’extérieur (ITE), toutes formes et matières, ont conquis les façades des bâtiments contemporains comme des bâtiments rénovés. Leur succès tient au fait que les systèmes se sont adaptés aux contraintes réglementaires (thermique et incendie), aux demandes de plus en plus pointues des architectes et…à la construction hors-site.

Système de bardage en terre cuite mis en œuvre en usine sur panneaux de façades à ossature bois. Hôtel de 10 étages à Toulouse / Dietrich | Untertrifaller architectes – Seuil architecture.

La généralisation des bâtiments basse consommation (BBC) dans la construction neuve, qui fait suite au renforcement des réglementations RT2012 puis RE2020, ainsi que la nécessaire massification des opérations de rénovation énergétique, ont donné un coup d’accélérateur à la recherche de la performance énergétique des bâtiments, et particulièrement de leur enveloppe. Librement réalisée, elle est, et devrait être, bien avant les équipements techniques, au centre des intentions. Et les produits et systèmes dédiés à l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), qu’il s’agisse des systèmes sous enduit (Etics) ou des procédés dédiés à la façade ventilée, en sont l’expression. D’ailleurs, le marché de l’isolation thermique par l’extérieur connaît une forte croissance. La rénovation énergétique des bâtiments est à la fois portée par l’habitat collectif – les bailleurs sociaux et les copropriétés – et boostée par la maison individuelle. Son marché est colossal :36 millions de logements, dont 27 à 29 millions à rénover d’ici à 2050 pour atteindre le niveau BBC rénovation et au moins 5 millions de passoires thermiques à traiter le plus rapidement possible. Un objectif inatteignable sans industrialisation, donc sans construction hors-site.

Les fabricants de systèmes d’ITE et leurs représentants, Groupement du mur manteau pour les procédés sous enduit et Syndicat national des bardages et vêtures isolées (SNBVI) pour la façade ventilée, l’ont bien compris et s’y intéressent. Dans le neuf bien sûr, avec le déploiement de façades 2D totalement finies en usine, et dans le cadre des rénovations. En avance sur ses confrères, le groupe STO a nommé un référent industrialisation pour ses produits de façade, Jérôme Daumur : « Pour nous, déclare-t-il, l’industrialisation, neuf ou rénovation, a du sens pour de nombreuses raisons : contrôle de la température pour les produits, travail toute l’année à l’intérieur à l’abri des intempérie, productivité (travail en 2/8 ). » Mais selon lui, cela n’est possible que si les éléments supports sont standardisés, ce qui ne veut pas dire standardisation de la finition : « Il y a suffisamment de gammes de produits ITE sous enduit ou sous bardage ventilé pour personnaliser les éléments de façades qui, eux, sont standardisés. » Même discours du côté du SNBVI : « Lorsque l’on étudie la norme DTU 31.4 référentiel pour la conception et la mise en œuvre des façades à ossature en bois, on remarque qu’elle se prête bien au hors-site. La méthode traditionnelle s’adapte à la réalisation de façades 2D et de modules 3D sur lesquels peuvent être mis en œuvre tout type de bardage », résume Gaël Le Bloa, référent technique du syndicat

De fait, les industriels ne voient pas d’obstacles à l’utilisation des procédés et ne font pas d’objections à ce que la façade évolue grâce à de nouveaux modes constructifs moins carbonés, notamment le développement des façades à ossature bois (FOB) et l’industrialisation qui va avec. Leurs produits sont la partie visible d’un complexe de murs en « millefeuille », beaucoup plus sophistiqué. Les outils numériques permettent une décomposition des formes qui facilitent la constructibilité et la fabrication des éléments de façade. Avec ces outils, il est possible de travailler la matière, de réaliser des formes complexes, de mélanger les systèmes.

Système StoTherm minéral COB. A obtenu une Appréciation technique d’expérimentation (ATEx) reproductible pour une application d’enduit sur isolant en façade ossature bois (FOB).

Cela va de pair avec une évolution des accessoires, raccords et profilés, qui ne sont plus cachés. Mais attention : « Les jonctions, les joints entre les éléments préfabriqués (étanchéité à l’eau, à l’air et incendie) sont à anticiper au plan esthétique avec les architectes. Ils participent à l’expression de la façade, au même titre que les brise-soleil », avertit Jérôme Daumur. Reste un détail important : l’assurabilité des systèmes lorsqu’il sont mis en œuvre à l’atelier : « Les Avis techniques sont compatibles. La seule différence est administrative car aujourd’hui le groupe spécialisé du CSTB ne couvre pas la préfabrication, il est donc important de voir directement avec son assureur. »

Deux tours, deux modes constructifs hors site avec ITE

béton,bois et terre cuite
À Toulouse, dans l’écoquartier mixte Cartoucherie Wood’art, construit sur un ancien site industriel sur la rive gauche de la Garonne, s’élève un complexe composé d’une tour d’hôtel de dix étages (30 m de hauteur) et de deux complexes résidentiels composés à 76 % de bois. Ce bâtiment n’est pas qu’un démonstrateur, ce mode constructif innovant a été pensé pour être reproductible.

Développés selon l’adage « le bon matériau au bon endroit », les bâtiments sont composés d’un noyau de circulation en béton, tandis que la superstructure est en bois, avec des murs et planchers porteurs en CLT et des façades non porteuses en murs à ossature bois. Les façades comprenant l’ossature, l’isolant, les menuiseries et la vêture sont assemblées en atelier avant d’être livrées sur site. Avantages : qualité et rapidité d’exécution, nuisances limitées, réduction des déchets… Pour la peau des bâtiments, les concepteurs ont retenu un système bardage terre cuite de Terreal (Maestral® Slim). Ce choix architectural répond à la démarche vertueuse du projet. « Avec la terre cuite, nous avons retenu un matériau capable de résister au temps et de protéger l’enveloppe bois », résume Philippe Goncalves, de Seuil Architecture.

clt, ossature bois et panneaux de laine de roche compressée

18 niveaux, 57m de hauteur… la tour Hypérion est un concentré d’innovations. Conçue par l’agence Viguier Architecture Urbanisme Paysage, elle émerge d’un ensemble de quatre bâtiments et abrite 98 logements qui enserrent un noyau central en béton. Porté par le groupe Eiffage, à la fois maître d’ouvrage et entreprise générale, le programme s’inscrit dans une démarche bas carbone, parfaitement illustrée par l’adage, encore une fois, « du bon matériau au bon endroit » : conception-réalisation sous standard BIM, construction bas carbone (label BBCA), structure bois CLT et poteaux-poutres, développement de poteaux hybrides bois/acier pour les balcons en porte-à-faux, murs préfabriqués à ossature bois non porteuse permettant de construire jusqu’à 50m de haut.

Revêtement de façade en panneaux de laine de roche compressée et laqué blanc pour Hypérion / Viguier Architecture Urbanisme Paysage. Simple à installer, ils s’intègrent parfaitement à un processus de préfabrication en usine

Ces derniers, baptisés Hyper Mob, bénéficient d’une ATEx* du CSTB de catégorie A et ont fait l’objet d’un dépôt de brevet en juin 2019. Développé par Savare, marque d’Eiffage Construction spécialisée dans la fabrication de charpentes industrielles et traditionnelles en bois, la poutre Posi (bois métal) et le mur ossature bois sont adaptés aux immeubles de 3e et 4e familles, en logement, mais également à 28 m en ERP dans le respect des exigences réglementaires.

Si le bois est omniprésent en structure, il est beaucoup plus discret en façade. Pour l’habillage des murs préfabriqués en usine, les concepteurs ont préféré au bois, les panneaux de bardage en laine de roche compressée (Rockpanel). Une option bien adaptée à la construction hors-site répondant en tout point aux exigences du projet, tant sur le plan environnemental que réglementaire, notamment pour la question du feu. Minéral, le bardage est incombustible. Au plan du design, ces bardages blanc aluminium et quartz gris créent, comme le souhaitaient les architectes, un élégant contraste avec le bois naturel visible en sous-face des balcons.