Les jumeaux numériques servent de catalyseurs à la réalisation des objectifs de « développement » durable. Mais sur quelles bases exactement ?
Jérémie Bellec
Les bâtiments sont responsables de près de 30 % des émissions de CO2 et de plus de 40 % de la consommation énergétique. L’urbanisation croissante est en grande partie responsable de l’artificialisation des sols et de la perte d’espace pour la biodiversité. Ces chiffres cités régulièrement placent les acteurs du marché de l’immobilier dans une position sans précédent.
Les foncières et gestionnaires de patrimoine font face à une prise de conscience massive de l’impact de leur activité sur l’environnement, à une évolution radicale des comportements d’usage des bâtiments (passage massif au télétravail, par exemple), à une augmentation drastique du coût énergétique et à une évolution conséquente du cadre réglementaire.
Quelles solutions apporter ?
Compte tenu de la somme des éléments qui composent un bâtiment et des process de mise en œuvre, je pense pouvoir avancer sans crainte que la gamme de solutions sera extrêmement vaste et variée, et que les bâtiments durables de demain seront la conséquence de milliers d’initiatives techniques, culturelles, sociales et économiques qui auront chacune leur importance (revégétalisation des espaces urbains, évolution culturelle d’acceptation de la place de la biodiversité dans les villes, matériaux plus respectueux, high tech, low tech…) Le sujet que nous abordons chez SpinalCom est celui de la digitalisation, et plus précisément celui du jumeau numérique. Classé dans le domaine de la high tech, le jumeau numérique est souvent cité comme une solution magique capable de révolutionner la gestion énergétique.
Jumeau numérique et « monde bâti » pour réduire son empreinte carbone et participer à la vision d’un monde plus durable
Revenons d’abord à ce qu’est un jumeau numérique. Le jumeau numérique est le modèle de représentation du bâtiment le plus précis dans l’espace et dans le temps, vis-à-vis de l’état de l’art. Primo, il permet de capter, de modéliser et d’analyser les données de son « jumeau physique », le bâtiment. Secundo, d’automatiser la prise de décision sur la base d’analyses transverses de qualité et à jour. Et enfin, d’agir en conséquence pour piloter le bâtiment de manière plus intelligente. Le jumeau numérique fait partie de la gamme des « technologies de la connaissance ». Il a même pour vocation d’être la technologie de la connaissance la plus aboutie pour la bonne gestion du bâtiment. Si nous nous concentrons sur la bonne gestion énergétique, il est l’outil organisant la convergence entre plusieurs technologies existantes que nous pouvons regrouper en trois grandes catégories :
• Les solutions IOT ou GTB permettant de récupérer des données de capteurs en temps réel, mais qui restent souvent silotées et très pauvres en capacité d’analyse à cause d’un manque complet de contexte, de modélisation transverse. Cette donnée en temps réel est donc très mal « actionnable ».
• Les solutions IT reposant sur la gestion des factures. Ces solutions sont pauvres en information à la fois dans l’espace et le temps (une seule facture de consommation pour la globalité du bâtiment). Elles permettent de faire un bilan financier a posteriori, mais pas d’envisager une adaptation intelligente de la consommation énergétique du bâtiment à son usage réel…
• Les solutions de modélisation et de simulation énergétique utilisées par les bureaux d’étude en conception des bâtiments. Elles reposent sur des modèles fins de représentation du bâtiment dans l’espace (le BIM étant le modèle le plus abouti aujourd’hui) et des simulations du comportement énergétique très poussées (calcul par éléments finis, AI…). Ces solutions sont absentes en phase d’exploitation des bâtiments. Elles sont aujourd’hui complètement distinctes, utilisées par des entreprises différentes, à des moments de vie du bâtiment différents…
Le jumeau numérique est l’outil qui organise la convergence entre ces technologies afin d’arriver à une connaissance et à une compréhension transverse du bâtiment à chaque instant. Il permet d’avoir un bilan du bâtiment toutes les minutes, une analyse pertinente entre l’occupation, la consommation et la géométrie du bâtiment à la même fréquence et de faire en sorte « d’actionner » ces données afin d’adapter, en temps réel, le bâtiment à son usage. Est-ce que mieux analyser, mieux comprendre et agir plus intelligemment sur les bâtiments permet de réduire leur empreinte carbone et de participer à la vision d’un monde plus durable ? De mon point de vue, la réponse est oui. Et les technologies pour le réaliser commencent à exister.