Cette année, Ph.D Jean-Luc Sandoz, entouré de son équipe fête les 30 ans de son groupe franco-suisse CBS-Lifteam, fondé sur la devise « plus d’ingénierie, moins de matière ». Il entretient une relation passionnelle avec le bois qu’il partage inlassablement avec tous ceux qui ont la chance de croiser sa route.
Séquence interview
Par Virginie Speight
Jean-Luc Sandoz, d’où vous vient chez vous cette passion de la transmission ?
Transmettre les savoir-faire et les bonnes pratiques, pour la majeure partie, issus des anciens, me semble capital pour partir sur des bases solides. Seulement à partir de là, il est possible d’innover… sinon on réinvente l’eau chaude.
Quelles sont les aspirations des jeunes que vous rencontrez ?
J’ai l’impression que les jeunes nés dans ce chaos, ces crises économiques, climatiques, sanitaires… ont sans doute une prise de conscience sur les enjeux environnementaux et sociétaux plus forte que leurs aïeux. Je croise pléthore de passionnés, extrêmement humanistes pour qui les valeurs de partage l’emportent sur les enjeux économiques. Ils cherchent le chemin à suivre pour participer à « changer le monde ».
Aux jeunes qui appellent de leurs vœux un changement de paradigme, que leur répondez-vous ?
Je suis plutôt un homme d’action qui entreprend sur le terrain en essayant de mettre des solutions en place. Il faut innover même dans cette crise climatique sans précédent. Aujourd’hui nous élaborons un nouveau programme avec l’ONG FSF (Formation Sans Frontière), il s’agit de former les réfugiés climatiques à la construction avec les ressources biosourcées locales, en passant par la sylviculture, la construction, la transmission, au développement économique… Ces réfugiés, si l’on prend le cas du Mexique, ne sont malheureusement pas « que de passage », ils vont devoir s’intégrer et recréer tout leur écosystème (économique, écologique et sociétal) dans un contexte affreusement lourd. Mon épouse et bras droit Yasmina s’y consacre d’ailleurs bénévolement avec les ONG et les gouvernements locaux (Mexique, Honduras, Guatemala, USA). Quand nous nous adressons à nos jeunes ingénieurs, ils sont malheureusement conscients que c’est omniprésent et que nous ne pouvons pas vivre en fermant les yeux. Nous devons développer le biosourcé et l’optimisation environnementale.
Le matin, vous vous levez avec quelles ambitions ?
Offrir une meilleure qualité de vie, de meilleures villes… comme dirait Marie Schweitzer, nous ne voulons pas faire des cages à poule. Le bois permet d’innover et de faire de belles réalisations économiques, écologiques avec un impact fort au niveau sociétal, que ce soit avec des matériaux recyclés ou biosourcés.
Combien de femmes et d’hommes travaillent au sein de votre entreprise ?
Aujourd’hui, sur 107 collaborateurs, nous avons 10% de femme, loin de la parité. Elles sont essentiellement sur des fonctions administratives et supports. Nous avons aussi une conductrice de travaux, Prescillia Ransay qui est également une ingénieure structure. Si l’on considère la position des femmes dans l’organigramme et l’encadrement, elles représentent un 1/3du staff.
Quelle place, accordez-vous à l’apprentissage ?
Nous avons toujours des apprentis et alternants, dans tous les services (ingénierie, dessin, compta, administration, informatique, conducteur de travaux). Un grand nombre reste parmi nous.
Possibilité de travailler jusqu’à un âge avancé, mixité ?
Nous avons trois recrues récentes de 53,55 et 60 ans. Encore une fois, je recrute sur les compétences et la motivation, pas sur le genre ni sur l’âge ni sur les origines. Je crois qu’en termes d’origines, tous les continents sont représentés chez nous. La transmission des savoir-faire vers les plus jeunes est capitale et les plus jeunes apportent aussi leurs connaissances des nouvelles technologies ou réglementations auprès des anciens. Je crois beaucoup à ce panachage des cultures et des âges.
Quels sont les projets écoulés qui vous ont fait le plus avancer ?
Plates-formes offshore sur les lacs en Suisse, réutilisés intégralement après les 6 mois d’exposition pour fabriquer des hangars pour les paysans locaux, par exemple. Halles Ecotim 1 et 2, optimisation de la matière. 35 Logements de Montreuil en TCE en 2012 avec LA architecture, prix de la première œuvre, optimisation économique pour faire du bois un matériau compétitif y compris dans le logement social. Nice Méridia en Bois de France, tour de 10 niveaux, certifié E3C2. Donzère, 45m de portées, le premier du genre en France. 60 logements, rue Paul Meurice à Paris labellisé E3C2 biosourcé (en cours de travaux), les premiers du genre à Paris en R+5.
En quoi CBS-Lifteam contribue-t-elle au développement durable ?
Nous sommes leader dans le domaine, E3C2 (biosourcée et filière courte), et IGH /moyenne hauteur.
Il faut bien admettre que le greenwashing est monnaie courante, que pensez-vous du treewashing en particulier ?
C’est un moindre mal et une prise de conscience. Chacun à son niveau pour réduire la dérive. Chaque arbre planté est un espoir pour l’humanité. Ceux plantés en zone urbaine ne serviront jamais à la production pour nos constructions mais servent bien à réduire l’effet îlot de chaleur. Ma dernière conférence au Forum Bois Construction portait sur l’analyse de l’inventaire forestier mondial de l’ONU. Cette mode du Treewashing a tout de même un effet si l’on compare sur les rapports précédents, notamment en Europe, Amérique du Nord et du Sud, Asie. L’Afrique est à la traîne. Nous soutenons le programme Trees In Cities de l’ONU porté par l’équipe de Paola Deda et Liliana Annovazzi-Jakab, sous l’impulsion de Yasmina. https://treesincities.unece.org
Comment allier recherche technologique et conscience écologique ?
C’est forcément dans tous nos innovations. C’est la prise en compte multi-facteurs : environnemental, sécurité, durabilité, ressource locale, économie circulaire, low-tech, low-energy, sociétal, insertion, inclusion.
Vos applications pratiques les plus pointues en termes d’innovation ?
Toutes nos expertises (sylvatest 4, polux 5). Tous nos systèmes constructifs (Ariane, Opportune, Hercullle, NoEchos, VegA).