Est-ce que la fonction « loger » ne deviendrait que secondaire au profit de « connecter » et « partager » l’habitat? C’est en tout cas le pari que veulent engager ces deux géants américains du web.
AMAZON
Amazon vient d’acquérir Plant Prefab, une start-up californienne spécialisée dans la construction écologique modulaire qui annonce être la première usine de fabrication de maisons américaines à se concentrer sur la construction, les matériaux, les procédés et les opérations durables. Plant Prefab affirme que son approche réduit le temps de construction de 50% et les coûts de 10 à 25% dans les grandes villes. Pour cet outil de production de 5700m², Amazon vient d’investir 6.7M$.
« Nous aimons travailler avec des entreprises qui ont un impact mondial positif sur la vie quotidienne. Plant Prefab se concentre sur l’amélioration spectaculaire de l’efficacité et de la responsabilité environnementale sur le marché de 330 milliards de dollars des maisons neuves aux États-Unis. Avec l’augmentation des coûts, la pénurie de main-d’œuvre, la réduction de l’accessibilité financière et l’impact énorme du logement sur les émissions de carbone. Peu de défis sont plus importants que la création de logements plus accessibles et plus sains ».
Commande vocale
Toutes les maisons construites par Plant Prefab intégreront l’assistant vocal Alexa. L’idée d’Amazon est de pouvoir proposer des maisons à des prix abordables, qui intégreront divers éléments compatibles avec la technologie Alexa.
Pour Paul Bernard, directeur du Alexa Fund, la filiale d’Amazon qui investit dans le Plant Prefab: « La voix s’est imposée comme une technologie merveilleuse à la maison et il y a maintenant plus de 20 000 appareils intelligents de 3500 marques différentes compatibles avec Alexa ». L’offre d’Amazon s’oriente sur une maison construite autour de l’assistant vocal, moins chère et plus rapide à construire. Avec des technologies intégrées qui facilitent la vie.
Anticiper les réglementations
Du côté d’AIRBNB, les prototypes de modules « Backyard » sont annoncés pour l’automne 2019. Car l’entreprise qui, avec son site web répertorie désormais 5 millions de logements dans plus de 80 000 villes et pèse 38 milliards $, est au cœur de polémiques. Accusée d’aggraver la pénurie de logements (60 000 annonces à Paris…) et d’encourager à la sous-location. Elle est de plus en plus dans le viseur de taxations, de limitations de nuitées à la location et de réglementation contraignantes. Pour anticiper ou contourner ces réglementations, Airbnb veut encourager la construction d’hébergements dans les arrière-cours et dans les jardins des maisons entières ou de complexes composés de plusieurs unités pensées dès le début pour être partagés.
Dans le jardin
Backyard pourrait d’abord proposer de petites extensions préfabriquées que les propriétaires installeraient dans leur jardin. Mais aussi devenir une marketplace où seraient vendus les différents éléments qui constituent un logement. Bien sûr, ces nouveaux hébergements seraient mis en location sur la plateforme d’Airbnb! « Avec Backyard, nous utilisons le même prisme que pour Airbnb, le potentiel de l’espace, et l’appliquons plus largement à l’architecture et à la construction ». A expliqué Joe Gebbia, co-fondateur d’Airbnb, qui souligne qu’il ne s’agit pas uniquement de profit, mais aussi d’apporter des logements intelligemment conçus pour un monde qui pourrait en avoir besoin. « Pour répondre aux exigences futures, qu’il s’agisse des migrations climatiques ou d’exode rural, le logement doit évolue ». Ces maisons devraient ainsi intégrer des techniques de fabrication sophistiquées et laisser une large place à la domotique et aux objets connectés.
Chaine de valeur
Ces deux mastodontes du web investissent donc la construction modulaire d’habitat avec la ferme intention d’en modifier la chaîne de valeurs. Pour Amazon, l’assistant vocal intelligent Alexa est un « hub » domotique qui va piloter la maison, l’énergie, la lumière, les alarmes, la musique, la télévision, les divertissements, les réservations de tourisme, le shopping, la santé.. Autant de sources de profits pour le géant du commerce mondial qui détiendra les clefs d’un écosystème complet.
En France
Pour Airbnb, il s’agit de favoriser la construction d’un parc de logements partagés sur le long terme qui procureront, certes, des revenus pour les propriétaires, mais seront aussi conçus selon les exigences spécifiques de la plateforme, qui possédera, elle aussi, des éléments domotiques de pilotage et de réservation. Un nouveau concept d’hôtellerie, avec des chambres standardisées, mais sans la charge de l’investissement pour Airbnb. En France, deuxième marché d’Airbnb, avec 500 000 annonces en ligne et 13 millions d’utilisateurs. La version « Backyard » de la construction modulaire pourrait trouver un certain écho !
Marchandisation
Après les projets urbains Google, ces deux géants d’internet sont les premiers a s’attaquer directement au marché de la maison individuelle grâce aux techniques de construction modulaire. Leur puissance financière leur donne les moyens de leurs ambitions et peut accélérer la mutation du secteur.(Amazon est la 1ère entreprise au monde avec 840 milliards $ de capitalisation boursière). Mais, au-delà des atouts de la préfabrication et de son impact sur le prix sur lequel ces deux entreprises peuvent agir grâce à leur puissance, cela pose la question de la marchandisation de l’habitat. Est-ce que le logement, grâce à l’activité de ses occupants, peut devenir un centre de profit que l’on cherche à s’approprier en leur fournissant les murs ? Oui à l’évidence, répondent Amazon et Airbnb, qui affichent clairement leur motivation.