Leader de l’isolation en France, le Groupe Saint-Gobain poursuit une politique ambitieuse de développement des matériaux biosourcés et géosourcés. Tour d’horizon avec Pierre-Emmanuel Thiard, directeur général adjoint d’Isover, Placo® et Saint-Gobain France.
Vous occupez différentes fonctions dans la partie industrielle de Saint-Gobain, en quoi consistent-elles ?
J’occupe une fonction opérationnelle en tant que directeur général adjoint d’Isover et de Placo®, d’autre part, je suis chargé de coordonner la promotion et la prescription de l’ensemble des offres de Saint-Gobain France donc Isover, Placo®, mais aussi Weber, le vitrage, etc.
Quel est le positionnement de Saint-Gobain par rapport aux matériaux biosourcés ?
Le biosourcé, on en fait depuis plus de 20 ans. Au début des années 2000, Isover avait été précurseur du marché en lançant une première génération d’isolants au chanvre: Florapan. Cela nous a permis d’expérimenter, d’apprendre. Et, de fil en aiguille, on a optimisé ces solutions, puis on a décidé de basculer en 2010 sur les isolants en fibre de bois. On a arrêté le chanvre.
Pour quelles raisons êtes-vous passé du chanvre à la fibre de bois ?
Deux éléments nous ont convaincus de faire ce mouvement. D’une part, la performance thermique et, d’autre part, la dimension environnementale. Le chanvre nécessite des exploitations agricoles, entre en concurrence avec les terres alimentaires et est très consommateur d’eau. Alors que la fibre de bois que l’on fabrique est issue des résidus de bois des scieries, de l’écorce que l’on source depuis les forêts locales. On la commercialise sous la marque Isonat. Notre usine Mably, dans la Loire, se source à proximité des forêts limitrophes. Du côté de Weber, donc les mortiers, une solution d’isolation extérieure en liège a été développée: le Webertherm natura. On travaille également sur des solutions géo-sourcées. Du côté de Point.P Matériaux, on travaille à une technologie de murs en terre crue. En substitution des matériaux traditionnels béton ou brique avec des performances d’inertie thermique très prometteuses. Enfin, on n’oublie pas nos matériaux minéraux. Pour la laine de verre ou la plaque de plâtre, on investit beaucoup pour améliorer la recyclabilité. Et on les source à partir de matériaux biosourcés.
La fibre de bois que l’on fabrique est issue des résidus de bois des scieries, de l’écorce que l’on source depuis les forêts locales.
Comment recyclez-vous exactement ?
Le point de départ, c’est de disposer de services de collecte et de reprise des déchets de chantier. On a commencé par Placo®, qui a été précurseur sur le marché français. Pour vous donner des ordres de grandeur, en France, on a à peu près 600 000 tonnes de déchets de plâtre chaque année, issus de travaux de construction et de rénovation. Sur ces 600 000 tonnes, il y en a environ 100 000 qui sont valorisées aujourd’hui, c’est très peu et insuffisant. Sur ces 100 000 tonnes, Placo® à lui seul fait plus de la moitié, soit plus de 50 000 tonnes de retraitement par an. En moyenne, 15% de nos plaques de plâtre sont constituées de gypse recyclé issu de déconstruction. Côté isolation, autrement dit la laine de verre, il y a un premier niveau : s’affranchir de matières naturelles.
Historiquement, le verre était fabriqué à partir du sable. On a toujours pris soin d’extraire nos matières premières de carrières et non pas du sable. Mais le vrai enjeu aujourd’hui, c’est de se passer de sable. En fait, on utilise du calcin, c’est-à-dire du déchet de verre de vitrage ou de bouteille ou de pare-brise automobile, etc. Déjà, actuellement le taux de calcin, se situe entre 60% et 80% de nos laines de verre. En réalité, le sable n’est plus que résiduel. On a comme objectif 100% de calcin donc 0% de prélèvement dans la nature d’ici 2025. Et au-delà, la seconde étape consiste à intégrer dans nos process des déchets de laine de verre comme on le fait pour la plaque de plâtre, c’est plus exploratoire, car technologiquement, cela demande plus de R&D. Aujourd’hui, Isover France, est la seule entreprise d’isolation qui a mis au point un procédé qui depuis 3 ans permet de commencer à absorber des déchets de laine de verre dans ses productions. D’ailleurs, nous sommes en train d’investir pour développer cette technologie et augmenter ainsi notre capacité à absorber les déchets.
Actuellement, ce qu’on recycle, ce sont les déchets de production internes. On est capable de les réinsérer dans le process de production.
Et en ce qui concerne l’accompagnement de la construction bois ?
Pour nous, une autre manière de faire de la construction biosourcée, ce n’est pas par l’isolation, mais par la structure. C’est un champ que l’on investit énormément, car on le trouve très prometteur et on est convaincu que nos solutions sont idéalement adaptées à la construction bois.
Comment envisagez-vous la construction hors-site ?
On regarde de très près la construction hors-site, car finalement celle-ci répond exactement aux préoccupations de Saint-Gobain. Aujourd’hui, le Groupe se positionne comme le leader de la construction légère et durable, notre promesse étant de développer les solutions performantes et durables. L’industrialisation permet de gagner en productivité en « just on time », de réduire le temps de chantier de minimiser les coûts et les contraintes et nuisances pour l’environnement et pour les riverains. Par ailleurs, pour nous, la construction hors-site permet aussi d’optimiser la découpe pour limiter les déchets. Comme elle est souvent faite à partir de bois, c’est là que se fait le lien en ossature bois, en CLT, ou autre. C’est également une manière d’améliorer la teneur carbone du bâtiment. En vérité, cela répond complètement à nos ambitions de durabilité. De plus, nos solutions complètent, accompagnent parfaitement la construction hors-site, notamment quand elle est en bois. On a les problématiques de protection feu, incendie, d’acoustique, de rigidité mécanique de la structure. Finalement, les plaques de plâtres haute résistance au feu ou les isolants, les combinaisons d’isolants et de plâtres qui permettent de garantir le confort acoustique, viennent parfaitement compléter la construction bois.
Qu’est-ce que vous recyclez exactement ?
C’est une problématique qui touche les biosourcés en général. Actuellement, ce qu’on recycle, ce sont les déchets de production internes. On est capable de les réinsérer dans le process de production. En revanche, clairement, cela fait partie de nos sujets de travail: être capable demain de revaloriser les déchets de déconstruction lorsqu’on démontra les premiers bâtiments réalisés en matériaux biosourcés. Pour nous, il faut mener les deux en parallèle: développer le biosourcé et continuer à optimiser la recyclabilité des laines minérales, car celles-ci ne sont pas biosourcées, mais en revanche, elles sont recyclables. Et là, pour le coup, les technologies sont déjà en place. En termes d’ouverture du marché et d’accompagnement des besoins d’isolation, on est sur des volumétries sans commune mesure du biosourcé. Dès lors, il faut à la fois faire monter en puissance les biosourcés pour accompagner la demande du marché, et en parallèle aussi longtemps que les biosourcés resteront une part faible du marché, rendre aux meilleurs standards environnementaux les laines minérales. Ce sont elles aujourd’hui qui font le gros des volumes et apportent les meilleures performances thermiques, et parfois feu dans certaines circonstances, donc il faut avoir les deux cordes à son arc.
Saint-Gobain investit dans les matériaux verts. Le géant français des matériaux va injecter environ 5 millions d’euros dans l’usine de sa filiale Isonat à Mably (Loire), spécialiste de la production de panneaux isolants en laine de bois.
Propos recueillis par virginie speight