L’anticipation avant tout
« Construire avant de construire », c’est une approche partagée tant par la construction hors-site que par le BIM. Côté hors-site, parce qu’il est nécessaire de se projeter dans
les détails de l’assemblage final avant de lancer la fabrication hors-site des différents éléments : la place laissée à l’improvisation ou à l’ajustement sur site est nécessairement plus faible que sur un projet de construction traditionnelle. Côté BIM, parce que l’ouvrage est construit virtuellement avant d’être construit physiquement. Le BIM et les méthodes de travail associées, plus orientées vers la conception et la collaboration entre les différents acteurs, permet ainsi une anticipation nécessaire à la bonne réalisation d’un projet en construction hors-site. Les aléas sont moins nombreux et moins conséquents, et les blocages qui peuvent parfois survenir lors d’un manque d’anticipation de l’assemblage de modules ou d’éléments préfabriqués sont ainsi levés.
A titre d’exemple, l’utilisation du BIM et de la construction modulaire a permis la livraison de la tour Apex House à Londres (28 étages pour 580 logements étudiants en moins de 11 mois) grâce à une planification et une efficience d’assemblage inenvisageable sur une projet classique.[Photo dudit projet]
La standardisation au service de la productivité
0%. Ce sont les gains de productivité de l’industrie du BTP en France dans les 20 dernières années. Dans le même temps, les industries manufacturières ont quasiment doublé leur productivité. Une des raisons souvent pointée du doigt par les différentes études est le manque de standardisation du secteur. Quand l’automobile, l’aéronautique ou les chantiers navals ont standardisé les types de pièces utilisés ainsi que les modes de fabrication et d’assemblage, le BTP a conservé une approche sur-mesure, d’adaptation projet par projet. Si les outils et certains process ont été standardisés ou normés, chaque voile béton reste dimensionné selon les besoins du projet, chaque salle de bain est redessinée à partir de rien et chaque plaque de plâtre reste majoritairement découpée sur mesure sur site…
A nouveau, BIM et hors-site se rejoignent sur la standardisation. Une approche BIM correspond en réalité à la mise en place d’une base de données orientée objet, dans laquelle chacun des objets est défini par des caractéristiques (géométriques, physiques, temporelles, etc.)… qui sont normées ! Dans un projet de construction hors-site, cette standardisation est obligatoire afin de bénéficier des avantages de productivité : construire sur-mesure et à distance ferait perdre une grande partie des gains en productivité prodigués par le hors-site. Ainsi, une conception réalisée en BIM permettra une standardisation plus simple et donc une fabrication plus fluide et efficace d’éléments sur une chaîne de production (qu’elle soit manuelle ou robotisée). Des sociétés telles que Katerra ou Prescient Technologies ont d’ailleurs standardisé leurs process de la conception jusqu’à l’assemblage sur site en passant par une fabrication en usine grâce à une approche et des outils BIM dédiés. La maquette numérique devient alors la colonne vertébrale du projet et plus globalement de leurs concepts et process. A l’instar de l’automobile où chaque type de pièce et chaque méthode d’assemblage a été imaginé et conçu sur ordinateur avant d’être envoyé en ligne d’assemblage, il en va de même pour ces nouveaux venus dans le monde encore attentistes de la construction.
L’automatisation au service de la fabrication
En poussant le concept plus loin : si la maquette BIM d’un ouvrage est correctement conçue dans l’optique de construire hors-site, il est alors possible de générer automatiquement les plans de fabrication et/ou les fichiers d’entrée d’une machine à commande numérique. Les données de certains éléments de la maquette numérique sont traduites automatiquement en commandes pour des machines à découper – forer – peindre – assemble etc. Ceci permet à la fois d’obtenir des gains de temps considérables mais également d’éliminer un grand nombre d’erreurs humaines dans la transposition d’un plan de conception architectural à un plan de fabrication. En comparaison à une construction traditionnelle, les gains de qualité, notamment dans les finitions, sont également au rendez-vous.
La clé de la personnalisation : la conception paramétrique
« Oui, mais chaque bâtiment est différent ». Combien de fois a-t-on entendu cet adage martelé et rabâché dans notre secteur ? Et pourtant c’est vrai, chaque bâtiment est différent. Et l’on pourrait ajouter que « chaque paquebot, chaque avion, et même chaque voiture pourrait l’être aussi ». Votre logement ou vos espaces de travail sont peut-être plus proches de ceux de vos voisins que votre voiture. La grande majorité des constructeurs automobiles propose maintenant des configurateurs qui permettent en moyenne de générer 5 à 10 millions de configurations possibles pour chaque modèle alors que les modèles les plus vendus au monde s’écoulent à 1 millions de véhicules par an, soit 4 millions sur leur durée de production… Chaque voiture peut donc être « unique ».
La clé de cette personnalisation, parfois complexe à mettre en œuvre dans un ouvrage fabriqué hors-site réside dans la standardisation et la conception paramétrique. Plus simplement, dans une conception paramétrique, chaque élément ou chaque système standardisé possède des caractéristiques figées et des caractéristiques paramétrables. A l’échelle d’un objet, une menuiserie extérieure pourra par exemple avoir une hauteur et des caractéristiques thermiques fixes mais une largeur et une couleur paramétrable. A l’échelle d’un système, un espace de vie pourra avoir une largeur figée et une longueur et un emplacement d’éclairage qui s’adaptera à la longueur du bâtiment. Cette conception paramétrique permet de répondre de manière automatisée, à partir de règles logiques, à des contraintes spécifiques à chaque site : PLU et réglementation, choix programmatiques initiaux, choix preneur /acquéreurs, etc. En combinant BIM, conception paramétrique et construction hors-site, le secteur du bâtiment pourrait ainsi passer d’une philosophie de prototypage qui ne répond que partiellement aux besoins définis par les usages, à une approche standardisée qui permet à l’ouvrage de s’adapter aux besoins des différentes parties prenantes et tout particulièrement des utilisateurs finaux.