Encore peu apprรฉhendรฉe par le droit et la lรฉgislation, la construction industrialisรฉe est confrontรฉe au dรฉfi de faire รฉvoluer les schรฉmas et pratiques traditionnels, pour pouvoir exprimer tout son potentiel.
Le choix du mot ยซ hors-site ยป pour la dรฉsigner intรจgre peut-รชtre en partie cette volontรฉ de tourner la page. Convenons donc de lโutiliser pour les besoins du prรฉsent article. Le principe de la construction industrialisรฉe ou hors-site, loin dโรชtre nouveau, peine encore ร sโimposer en 2020, alors quโau vu des enjeux sociรฉtaux actuels, tous les voyants semblent au vert.
Une partie du blocage provient sans doute de la mauvaise image de la prรฉfabrication, laquelle est encore trรจs souvent associรฉe ร des rรฉsultats moches, รฉphรฉmรจres et de piรจtre qualitรฉ. Pourtant, les procรฉdรฉs intรฉgrant la prรฉfabrication permettent aujourdโhui assurรฉment dโatteindre des rรฉsultats esthรฉtiques, durables et performants, notamment grรขce au dรฉveloppement des outils digitaux. Si la mรฉfiance vis-ร -vis de la mรฉthode de construction hors-site perdure dans lโinconscient collectif, demeurant culturellement dรฉrangeante, cโest peut-รชtre aussi parce que lโon ne sait pas vraiment de quoi il sโagit prรฉcisรฉment. Or, de la culture au droit, il nโy a quโun pas. La rรฉvision des concepts juridiques opรฉrant dans lโapprรฉhension de ce quโest la construction hors-site pourrait donc contribuer ร la rendre plus engageante.
La construction hors-site ne se rรฉduit pas ร la ยซ prรฉfabrication ยป dรฉcrite par la loi Elan. Elle pourrait se dรฉfinir plus globalement comme une mรฉthode moderne de construction par laquelle les principaux รฉlรฉments du futur ouvrage sont conรงus et rรฉalisรฉs ร distance pour รชtre acheminรฉs et assemblรฉs au lieu oรน lโouvrage sera ancrรฉ au sol. Or, une telle dรฉfinition dรฉclenche assez vite trois interrogations juridiques fondamentales : si l’entreprise conรงoit et fabrique ร distance du chantier du client, avec ses propres outils et procรฉdรฉs, les รฉlรฉments du futur ouvrage, ne vend-t-elle pas plus qu’elle ne le loue son ouvrage ? Si ensuite, elle livre et assemble ces รฉlรฉments dans lโidรฉe de les dรฉsassembler par la suite, lโouvrage reste-il un immeuble ou doit-on le considรฉrer comme un ensemble de meubles ? Si enfin on travaille essentiellement en usine ou en atelier en rรฉunissant concepteurs et rรฉalisateurs et en utilisant le BIM dรจs le lancement du projet, cette approche collaborative ne remet-elle pas en cause le schรฉma classique de la chaรฎne de sous-traitance ? Ces interrogations apparaissent comme autant de pistes de rรฉflexion pour tenter d’identifier et combattre les principales idรฉes reรงues…
Photo par: Joyce Benoist