Mathis Construction Bois, sur tous les fronts

1985

Campus Arboretum à Nanterre (92), piscine olympique de Saint-Denis (93) ou encore grande nef en bois du parc des expositions de Strasbourg (67), Mathis Construction Bois s’est fait une spécialité des ouvrages exceptionnels. Ce qui n’empêche pas le constructeur bois de s’intéresser à des projets plus classiques en développant des systèmes constructifs dédiés. Frank Mathis, son président directeur général, dévoile sa stratégie, y compris sur le hors-site.

propos recueillis par Stéphane Miget

Arboretum, le plus grand campus en bois d’Europe, accueillera à Nanterre-La Défense 125 000 m² de bureaux et services, agrémentés de 15 000 m² de terrasses. WO2, maître d’ouvrage délégué, a confié la réalisation des travaux au groupement GCC-Mathis. Maîtrise d’œuvre : Leclercq Associés, Nicolas Laisné Architectes, Dream Architecture, Terrell Group et Gemo.
Frank Mathis,
président-directeur général
Mathis Construction Bois

Quelles sont aujourd’hui les activités de Mathis Construction Bois ?

Frank Mathis. Nous en avons deux : celle pour laquelle nous sommes les plus connus et qui représente 70 % de notre chiffre d’affaires, à savoir la conception, la fabrication et la construction de grands bâtiments en bois. Ce sont des projets pour lesquels nous répondons à des appels d’offres publics ou privés sur le lot structure bois, par exemple pour le Grand Palais Éphémère à Paris ou le centre aquatique pour les prochains JO de Paris en 2024. Parfois, ce lot peut être étendu à de la façade, de la structure béton, de la charpente métallique, etc. Nous nous adaptons en fonction des demandes. Sur cette activité, nos clients sont des majors du BTP, de la promotion, et des collectivités locales principalement. Notre deuxième activité est celle d’entreprise générale ou de constructeur bois, sur la base de systèmes constructifs que nous avons développés. Nous avons donc la connaissance de la construction bois en réponse à des appels d’offres, et de la construction bois en entreprise générale. Pour ces deux activités, nous avons une organisation intégrée : nous menons nos études, gérons la fabrication du lamellé-collé, de l’ossature bois et du CLT. Ainsi que toutes les pièces métalliques d’assemblage et un peu de charpentes métalliques.

Concernant votre activité d’entreprise générale, quels sont vos clients ?

F.M. Nous travaillons en France et plutôt pour les petites collectivités locales, à travers un réseau de sous-traitants fidélisés. L’entreprise générale, dans ces conditions, lorsqu’elle est maîtrisée par le lot bois, fonctionne bien, c’est optimal et rentable.

Quelle est votre stratégie par rapport à la construction hors-site ?

F.M. Nous sommes orientés sur la 2D. Nous ne faisons pas de 3D. C’est un choix essentiellement économique, car nous nous sommes rendu compte qu’il était difficile d’être compétitifs en hors-site 3D par rapport à la construction traditionnelle. Nous ne souhaitions pas non plus aller vers le type de bâtiments construits selon ces méthodes .En général, les projets sur lesquels nous travaillons ne s’y prêtent pas. Nous faisons peu de résidences étudiantes ou d’hôtels, pour lesquels la 3D est davantage adaptée. En effet, nous réalisons essentiellement des bâtiments industriels, des équipements de sport et loisirs, d’éducation, et des surfaces commerciales ou encore des immeubles de bureaux ou de logements supérieurs à R+3 avec notre système constructif Azurtec, bien adapté à ces types de bâtiments.

À propos du système Azurtec, comment en êtes-vous venus à vous rapprocher du groupe Saint-Gobain, via Placo ?

F.M. Nous pensons de part et d’autre que la construction bois doit apporter, outre la structure, d’autres fonctionnalités, comme une bonne acoustique, une protection au feu, à l’eau. C’est pourquoi nous avons développé un système spécifique de plancher avec Placo. Nous voulons mettre de la valeur ajoutée dans nos productions et garantir au client que ce qu’il reçoit est protégé le plus tôt possible du feu et des intempéries.

« Plus il y a préfabrication, moins le maître d’ouvrage immobilise d’argent sur son chantier. Avec les nouveaux taux d’intérêt, cette solution constructive devient pertinente »

Est-ce un système que vous faites évoluer ? Si oui, comment ?

F.M. On se doit de l’améliorer. On essaye d’en optimiser le prix pour qu’il soit compétitif par rapport aux procédés traditionnels en béton et acier. Nous ajoutons des fonctionnalités, essayons d’optimiser les dimensions et assemblages, de consommer moins de matière… Nous cherchons également à utiliser des produits plus « verts » et recyclables, notamment pour les pare-pluie. La recyclabilité est un sujet que nous regardons de près et la loi REP, d’ailleurs, nous y engage. Nous avons adhéré à Valobat pour nous conformer à cette réglementation et adapter nos pratiques.

Comment abordez-vous la RE2020, et plus généralement la construction bas carbone ?

F.M. La première économie consiste à mettre le moins de matière possible, et c’est ce que nous nous attachons à faire. Notre système consomme un tiers de bois en moins que les procédés traditionnels. On veut continuer sur cette voie en optimisant autant que possible nos calculs et en industrialisant davantage. Nous améliorons aussi les interfaces avec les autres matériaux et corps de métier, etc. Ainsi, nous essayons d’étendre les actions menées avec Saint-Gobain ou avec Louineau pour les encadrements de baies à tous ceux qui travaillent avec nous. Je pense que la construction bois doit être la plus proche des pratiques des clients. Ces derniers ont l’habitude du béton et ils ne se posent pas beaucoup de questions. Notre rôle est de les amener vers des systèmes simples à concevoir et de les faire cohabiter avec les autres corps de métiers, tout en tenant compte des évolutions réglementaires.

Plus généralement, quelle est votre vision du hors-site et de son intérêt ?

F.M. Le hors-site va se développer, c’est dans l’ordre des choses. Mais cela ne sera pas que du tridimensionnel. C’est souvent ce qui est mis en avant, mais il ne peut être réduit à ça. De même, on ne pourra pas préfabriquer tout un bâtiment. Selon les ouvrages et les matériaux, il y aura des réponses différenciées; des composants industriels faciles à assembler sur chantier ou de la préfabrication simple à monter, par des personnes qui ne seront pas nécessairement qualifiées. Le hors-site participe aussi à l’amélioration des conditions de travail. Ces systèmes pensés dans des bureaux d’études et préfabriqués en usine génèrent moins de risques sur les chantiers !

Le développement du hors-site a-t-il d’autres conséquences pour l’industriel que vous êtes ?

F.M. Les spécificités de la préfabrication ne concernent pas uniquement les industriels ou les préfabricants, elles doivent être dans toutes les têtes, y compris dans celle du maître d’ouvrage. Lorsqu’il y a préfabrication, c’est souvent le préfabricant qui porte une partie des coûts financiers de la phase de construction. Elle permet au maître d’ouvrage d’éviter de payer à l’avancement, hormis, bien sûr, les acomptes à la commande. Plus il y a préfabrication, moins le maître d’ouvrage immobilise d’argent sur son chantier. Avec les nouveaux taux d’intérêts, cette solution constructive devient pertinente. Par ailleurs, les maîtres d’ouvrage et d’œuvre doivent intégrer dans leurs plannings d’opérations le fait que le temps total du projet est le même, quel que soit le mode constructif : traditionnel ou hors-site. Concernant le hors-site, les temps d’étude et de fabrication sont plus longs, mais le chantier beaucoup plus court. Cela implique de construire les plannings en conséquence, c’est un changement culturel. Selon moi, le vrai sujet est chez les maîtres d’ouvrage et d’œuvre. Quant aux entreprises, elles s’adapteront. Elles savent gérer des chantiers, donc elles sauront gérer cela sans difficulté.