Innover avec un matériau ancestral, c’est possible. En témoigne cette façade unique en terre crue autoportante d’un ensemble de logements à Boulogne-Billancourt, unique en son genre. Elle porte le programme novateur de la jeune agence Déchelette Architecture. Cette dernière entend démontrer que l’intelligence de la conception associée à la construction hors-site et aux matériaux décarbonés répondent à tous les critères de qualité environnementale et de confort.
En janvier 2021, l’agence Déchelette Architecture a remporté le concours organisé par Seine Ouest Habitat et Patrimoine (SOHP) pour la construction d’un immeuble à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). La demande du maître d’ouvrage était claire : concevoir un immeuble en structure bois utilisant majoritairement des matériaux non transformés, biosourcés et géosourcés, tout en assurant le confort des occupants. Ce projet de R+4 comprenant huit logements sociaux et un commerce se distingue par l’utilisation de matériaux à très faible impact environnemental, une démarche architecturale avant-gardiste et des méthodes constructives novatrices hors-site. La façade sur rue est en terre crue autoportante sur quatre niveaux, reposant sur un socle de pierre de taille. Côté jardin, la façade est en panneaux de bois (CLT), une approche hors-site également adoptée pour l’escalier en béton et la structure bois. Seule la dalle du rez-de-chaussée a été coulée sur site. Livré cet été, l’immeuble s’élève sur cinq niveaux : un rez-de-chaussée, quatre étages de logements et une toiture végétalisée. Il est organisé autour d’un noyau central de circulation. Le rez-de-chaussée est divisé en deux entités indépendantes : le commerce et l’accès aux logements, permettant aux passants d’apercevoir le jardin depuis la rue. Les étages supérieurs abritent des appartements traversants, bénéficiant d’une ventilation naturelle et d’un éclairage optimal.
Performances environnementales exceptionnelles
La singularité du bâtiment provient de l’utilisation de la terre crue autoportante pour la façade sur rue. « Une première en France pour ce type de construction! », s’exclame l’architecte Philibert Déchelette. Les panneaux de façade ont été réalisés par l’entreprise Terrio, spécialisée dans la préfabrication de blocs en pisé de grandes dimensions. Façonnés et séchés dans l’atelier de l’entreprise en périphérie de Lyon, d’où provient la terre, ils ont ensuite été transportés sur site et posés. « Nous aurions préféré utiliser de la terre de la région parisienne, mais malheureusement cela n’a pas été possible », se désole l’architecte. Malgré le transport, cette technique a permis une réduction significative des émissions de CO2 : 23kg CO2éq pour une construction en pisé contre 250kg CO2éq pour l’équivalent en béton. Avantage également au plan du confort : « Les qualités hygrothermique, acoustique et esthétique de la terre crue l’améliorent en toute saison. » Grâce à ces dispositifs, les performances environnementales globales sont exceptionnelles, surpassant les objectifs initiaux et obtenant la certification HQE niveau 3, avec un bilan carbone de 793kg éq.CO2/m² SDP. Cerise sur le gâteau : « La préfabrication a permis un montage rapide et propre, avec une réduction des effluents, des déchets et des nuisances sonores. »
Maître d’ouvrage : Shop
Maître d’œuvre : Déchelette Architecture
Bureau d’études : Axoe
Constructeur : STM-LBTP
Entreprise préfabrication terre : Terrio
« La préfabrication n’empêche pas l’architecture ! » « La terre crue n’est pas une première pour notre agence, explique Philibert Déchelette, architecte de Déchelette Architecture. Nous avons déjà construit une maison en pisé sur site. Ici, nous changeons d’échelle et de méthode. Un chantier en pisé peut être long à cause des temps de séchage. La préfabrication nous a permis de travailler en temps masqué avec une réduction considérable du temps de chantier. Pour nous, cela implique des études poussées très en amont et nous laisse moins de marge de manœuvre sur chantier, mais cela n’empêche pas l’architecture. Pour une construction en pisé, et d’autant plus qu’ici il n’est pas enduit, il est important de prévoir un bon chapeau et de bonnes bottes, d’où le socle en pierre de taille et les couvertines et bavettes de plus grandes dimensions que celles habituellement utilisées. Pour résumer, je dirais que nous sommes gagnants sur la temporalité, avec un petit manque de souplesse. »