Polylogis, acteur engagé

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Et si lʼavenir du logement social résidait dans lʼinnovation, la durabilité et le hors-site ? Cʼest le pari que fait Polylogis, porté par Cédric Loret, directeur général adjoint en charge de la stratégie et du développement durable. Le groupe pionnier a repensé ses manières de faire pour relever les défis environnementaux, économiques et de confort dʼusage. Sur sa feuille de route : former ses équipes, certifier ses experts via le Campus HORS SITE, et déployer des projets efficaces, esthétiques et à impact positif.

propose recueillis par Stéphane Miguet


Cédric Loret,
directeur général adjoint de Polylogis, en charge de la stratégie et du développement durable.

Pouvez-vous présenter le groupe Polylogis ?

Cédric Loret : Cʼest un groupe historique, créé dans les années 1960, et qui se positionne principalement comme bailleur social, notamment via sa société mère, LogiRep. Nous gérons un parc de 166 000 logements dont environ 85 000 sociaux. Outre ce pôle social, nous avons développé un pôle privé, qui inclut des programmes de promotion immobilière et dʼaccession à la propriété. Par ailleurs, notre groupe intègre des activités dʼadministration de biens, de syndic de copropriété, ainsi que de gestion locative pour le compte de tiers.

Quelles sont les stratégies de croissance développées par le groupe ?

Notre stratégie de croissance repose sur deux axes principaux : lʼagrandissement de notre parc social, notamment via des fusions et acquisitions régulières dans le secteur, et le développement de nos activités privées. Nous menons également des opérations dans lʼaccession sociale et développons notre expertise en aménagement du territoire, avec une vision durable et responsable. Enfin, nous avons récemment acquis des entités dans le domaine de la transaction immobilière pour élargir notre offre et intégrer des services complémentaires.

Quelles sont les applications concrètes de cette vision durable et responsable ?

Le développement durable est au cœur de notre stratégie, surtout dans la construction et la réhabilitation de logements. Nous voulons limiter lʼempreinte carbone en réduisant lʼutilisation de matériaux émetteurs, notamment le béton, et en intégrant des procédés constructifs plus respectueux de lʼenvironnement, comme le bois, et biosourcés. Par ailleurs, nous investissons dans des solutions de construction industrialisées et standardisées, dites « horssite ».

Votre groupe fait partie des pionniers de la construction horssite. En quoi cette approche est-elle intéressante pour votre développement ?

Elle présente de nombreux avantages. Elle limite les contraintes des chantiers en centre-ville, réduit les nuisances pour les riverains et améliore la qualité de vie de nos équipes sur le chantier. Cela nous permet également de maîtriser les coûts en limitant lʼimpact des hausses de prix des matériaux. Enfin, cette méthode répond aux enjeux réglementaires et environnementaux, car elle est une porte ouverte sur la réalisation de constructions à haute efficacité énergétique.

La résidence NouvelʼR, à Claye-Souilly (77), Polylogis / Eiffage Aménagement, est une opération comprenant 20 logements sociaux, entièrement réalisée hors site avec des conteneurs maritimes recyclés par B3 Ecodesign. Architecte : 2A Design.

Comment préparez-vous vos équipes à cette transition ?

Nous avons mis en place un programme de formation pour nos collaborateurs. Plus dʼune trentaine ont suivi au moins un module de formation proposé par le Campus HORS SITE, et huit ont déjà obtenu la certification « Piloter un projet de construction hors site ». Dʼici à 2027,nous allons proposer cette certification à 25% de nos responsables de programme en construction et réhabilitation. Cette démarche vise à diffuser le savoir-faire autour du hors-site et à intégrer les compétences nécessaires au sein du groupe. Par ailleurs, nous avons créé un observatoire des coûts de la construction, qui nous permet de comparer les coûts entre les méthodes traditionnelles et le hors-site, afin de sensibiliser les décideurs et de déconstruire certaines idées reçues.

Quels sont vos objectifs ?

Nous avons fixé un cap ambitieux pour 2030 : à cette date, nous visons à doter 50% de nos nouvelles constructions dʼéléments réalisés en hors-site 1D, 2D ou 3D. Cela passe par lʼintégration de solutions de préfabrication diverses, quʼelles soient structurelles ou non structurelles, et qui sʼadaptent aux différentes typologies de logements que nous proposons.

Pouvez-vous expliquer lʼimportance du réseau et de lʼécosystème que vous avez intégré pour déployer les solutions horssite ?

Rejoindre un réseau est crucial pour rester informés sur les avancées et les solutions existantes. Nous sommes membres du Campus HORS SITE et avons adhéré à lʼassociation Filière Hors-Site France nouvellement créée. Ces affiliations nous offrent lʼopportunité dʼavoir un accès constant aux innovations et aux retours dʼexpérience des autres acteurs du secteur. Par exemple, nous avons mis en place un répertoire dynamique interne des solutions disponibles sur le marché. Il aide nos responsables de programme à prendre des décisions informées et facilite leurs choix au moment de la planification des projets.

Quand on parle industrialisation, standardisation, répertoire ou catalogue… la suspicion dʼun risque dʼuniformité architecturale nʼest pas loin. Que répondez-vous à cette crainte ?

Cʼest une préoccupation légitime, et nous y avons réfléchi. En réalité, nous ne nous enfermons pas dans une architecture 100% modulaire. Au contraire, nous privilégions des solutions hybrides pour garantir une certaine flexibilité dans les formes et les matériaux. Ensuite, même si lʼintérieur des logements peut être standardisé pour des raisons dʼefficacité, cʼest lʼintégration des bâtiments dans le quartier qui reste notre priorité. Nous collaborons étroitement avec les architectes pour apporter de la diversité en façade, par exemple avec les habillages et les parements. Cela nous permet de conserver une identité unique pour chaque projet, même avec une approche industrialisée.

Les 54 conteneurs, revalorisés et façonnés pour le projet, ont été assemblés entre eux sur site. Avec ce procédé, le bâtiment a été achevé en seulement dix mois, tout en garantissant un niveau de qualité optimal.

Vous travaillez avec des consultants, des AMO et dʼautres experts extérieurs, comme HORS SITE Conseils. Quelle est leur valeur ajoutée dans votre démarche ?

Ces intervenants sont essentiels, ils nous apportent un recul méthodologique et nous aident à identifier des éléments répétitifs et structurants dans notre portefeuille de projets. Cette expertise externe nous permet aussi dʼéviter certaines erreurs en nous sensibilisant aux pratiques éprouvées par dʼautres maîtres dʼouvrage. Parfois, nous nʼavons pas la bande passante en interne pour creuser aussi profondément chaque élément ; le soutien de ces consultants nous donne la possibilité de déployer des solutions tout en restant réalistes et alignés avec les standards industriels.

Au regard de votre expérience, quelles résistances rencontrez-vous en voulant mettre en place cette transition ?

Il est un peu tôt pour dresser un bilan complet, mais quelques freins sont déjà visibles. Dʼabord, il est essentiel dʼintégrer la méthode hors site dès la phase de conception. Si ce nʼest pas prévu dès le départ, cela peut être difficile de lʼintroduire après. Ensuite, la méconnaissance de cette approche est encore courante, et elle reste marquée par des préjugés liés à lʼhistoire de la préfabrication en France, souvent associée à des bâtiments de moindre qualité. Enfin, il y a des enjeux assurantiels à gérer, notamment quand il sʼagit de bien définir les responsabilité entre les différents acteurs intervenant dans la chaîne de production et dʼassemblage.

Au début de cet entretien, vous nous avez confié que le groupe développait son expertise en aménagement du territoire. Comment les collectivités locales perçoivent-elles cette démarche ?

Cʼest un vrai sujet. Toutes les collectivités locales nʼont pas encore intégré ces solutions dans leur vision de lʼhabitat. Cʼest un travail de sensibilisation sur lequel nous allons continuer à nous engager. Le hors-site est une opportunité pour répondre à la demande en logements tout en maîtrisant les coûts et en assurant une qualité de construction durable. Cʼest un levier pour lʼacceptabilité des projets, le hors-site réduit lʼimpact sur le voisinage dans la phase chantier. Il reste encore du chemin à faire, mais nous sommes convaincus que cette approche est bénéfique, et nous continuerons de la promouvoir.