Surélévation légère pour réhabilitation lourde

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Situé dans un périmètre d’intérêt patrimonial, cet ensemble de bâtiments hétéroclites, en cours de réhabilitation, surélevés et transformés en résidence pour étudiants, répond aux enjeux de la rénovation en centre-ville. Ici, la construction hors-site prend tout son sens.

Projet de résidence étudiante porté par Grand Lyon Habitat, ce programme immobilier implanté dans le VIIe arrondissement de la ville de Lyon est emblématique des enjeux de rénovation des bâtiments anciens en centre-ville. Il s’agit, en effet, de transformer un petit îlot de quatre corps de bâtiment distincts, datant de la deuxième moitié du XIXe siècle, en un ensemble cohérent de 70 logements PLS. Sachant que le tout se situe dans une zone classée monument historique avec, à proximité, la piscine du Rhône labellisée Patrimoine du XXe siècle de l’architecte Alexandre Audouze-Tabourin et l’ancien garage Citroën inscrit aux Monuments historiques depuis 1995 de l’architecte Maurice-Jacques Ravazé.

Ce programme en conception réalisation porté par GCC Aureca! a fait l’objet d’une concertation entre l’équipe, les architectes du patrimoine, les Monuments historiques et la ville de Lyon. « Cette discussion a été très enrichissante, se souvient Manuela Certan, architecte cheffe de projet AAGroup. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec la ville qui était très à l’écoute, idem sur l’aspect patrimonial et historique.» S’ensuit un programme pour lequel les architectes se sont attachés à répondre à trois enjeux. Le premier est sociétal : il faut faire face à l’important besoin de logements pour les étudiants, tout en apportant du confort et de la convivialité. Cela passe, par exemple, par la création d’un ascenseur qui relie les différents bâtiments et facilite l’accès aux logements PMR. Le niveau rue n’est pas oublié puisque le restaurant existant continuera de vivre sa vie et un petit commerce est inclus dans le projet. « Pour nous, il s’agissait de valoriser le bien commun », résume Manuela Certan.

Deuxième enjeu : « S’inscrire dans la continuité de l’histoire riche du quartier. Révéler le patrimoine en instaurant un dialogue subtil entre existant et projet, sans faire table rase du passé. » Le troisième défi concerne l’environnement au sens large : travail sur l’existant, création d’un petit îlot de fraîcheur, frugalité et recours à des matériaux bas carbone, valorisation des apports solaires, énergie renouvelable (photovoltaïque)…

Surélévation 100% bois

De ces échanges et réflexions est né un projet contemporain avec surélévation pour l’un des bâtiments situé dans un angle de rue, le tout sans ostentation et en parfaite harmonie avec l’environnement : « Les façades ont été traitées dans l’esprit de l’existant avec plusieurs niveaux de lecture. Par exemple, sur le bâtiment d’angle surélevé, des indices sur la temporalité des interventions sont donnés dans un deuxième niveau de lecture : celui du détail et du nu de façade lisse et celui du jeu sur les ombres avec un joint creux à la jonction de la surélévation et de l’existant », résume l’architecte. De même, si les enduits sont de type traditionnel à la chaux, ils ont été pensés dans des couleurs pastel différenciées. Les éléments de serrurerie d’époque, tels les garde-corps et lambrequins, ont été restaurés lorsque c’était possible. En revanche, « ceux de la surélévation sont une réinterprétation contemporaine de l’existant ».

La surélévation n’est pas perceptible, elle est traitée de façon semblable à l’existant. « Nous avons privilégié la lecture d’un ensemble de trois bâtiments de taille modeste, avec une différenciation subtile des éléments en façade et de leur polychromie. »
Mise en valeur de l’angle de la rue et de la stratification historique créant trois registres de lecture : soubassement enduit et peint, façade courante enduite, surélévation et couronnement marqués par des bandeaux travaillés de façon contemporaine et par une corniche de sous-toiture à profil simplifié.

À noter, les menuiseries bois ont été reconstituées d’après des relevés sur site pour être en accord avec les contraintes thermiques et acoustiques actuelles, tout en conservant le design des fenêtres à la française. Sur le plan technique et pour coller aux enjeux environnementaux, la surélévation sur deux étages a été traitée en hors-site avec un système de murs à ossature bois en 2D sur plancher bois. « Cette solution présentait deux atouts complémentaires adaptés au contexte : limiter le temps d’intervention et donc les nuisances aux riverains en ultra-centre et permettre la mise en œuvre de matériaux biosourcés avec les murs à ossature bois et leur remplissage en fibre de bois », soulignent les membres du groupement de conception.

Mise en place et assemblage des murs à ossature bois.

Bien sûr, des travaux préparatoires et une étude de la structure existante ont été demandés. «Le traitement des efforts rapportés par la surélévation a nécessité la réalisation d’une ceinture structurelle en béton armé, en tête du mur, couplée à des équerres de redressement métallique elles-mêmes connectées au plancher », explique Bruno Niclas, responsable du projet chez GCC Aureca! . De même, l’analyse théorique de la structure ne permettant pas de conclure sur les capacités portantes, des essais de mise en charge avec bassins remplis d’eau ont été conduits. « Cette solution proposée par le bureau d’études (dont le protocole a été préalablement entériné par le bureau de contrôle) a permis de valider, par l’essai, les flèches et les charges admissibles des anciens planchers et ainsi d’éviter des démolitions et renforcements inutiles », explique encore le responsable de projet. De son côté, Manuela Certan précise : « Cela nous a permis de faire des ajustements sur les descentes de charge. »

La surface des logements varie de 18 m 2 pour les 62 T1 à 31 m 2 pour les six T2 et 51 m 2  pour les trois T3.

Une fois les contrôles réalisés et la ceinture béton terminée, les planchers (400m²), murs (250m²) et charpente (200m²), fabriqués dans un atelier à 80km au nord de Lyon, ont été livrés et assemblés sur chantier. Au total, la surélévation a duré trois mois en été 2023 et les premiers locataires pourront s’installer pour la rentrée universitaire 2024.

Stéphane Miget