Hors site, la vision d’une architecte

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L’utilisation d’éléments fabriqués hors-site est pour nous un moyen de livrer des bâtiments mieux construits alors même qu’ils sont totalement spécifiques.

par Suzel Brout architecte, fondatrice de l’agence aasb ]

La plupart des projets que l’agence construit se font dans des sites métropolitains, des terrains non vierges, pollués, contraints, marqués par différentes infrastructures. Dans ces sites, la question de l’organisation du chantier se pose nécessairement. En général, les surfaces allouées pour les installations de chantier, les stockages de matériels sont très réduites.

Avec une organisation de chantier à repenser, la question de la manière de construire et le choix des procédés constructifs deviennent implicites. Très vite, on a cherché à introduire des éléments préfabriqués, dans la conception de nos projets [construction bois, métal, prémurs thermiques, modules intégrés de salle de bains etc.]. Bien sûr, nous utilisons les « catalogues » mis au point par les fabricants. Beaucoup d’éléments sont industrialisés, prédimensionnés : menuiseries extérieures, bardages, briques, portes, luminaires… mais l’élément fabriqué hors-site est plus complexe, spécifique à chaque projet, intégrant des éléments de plusieurs corps d’état, jusqu’à la cellule 3D. Notre manière de construire a changé. Dès la conception, nous introduisons une réflexion sur la production des éléments de construction et leur mise en œuvre. De par l’augmentation du niveau des exigences environnementales, de confort ou de normes, de la qualification des ouvriers ainsi qu’en raison des difficultés d’accès des chantiers urbains, une mutation des modes de construire est en cours. Nous nous trouvons actuellement à un moment charnière, avec la crise sanitaire de surcroît.

Le secteur de la construction basculera probablement vers des process différents, avec moins de personnes sur les chantiers. Notre projet B2, un EHPAD de 100 chambres en R+4 avec 18 logements sociaux sur 5 niveaux, un commerce au Rdc et un parking mutualisé sur deux niveaux de sous-sol fait partie d’un macrolot rassemblant 3 agences d’architecture [TOA, Maast et aasb] et 2 maîtres d’ouvrage [Paris Habitat et SNI]. Il s’agit d’un site métropolitain dense, en pleine mutation, sur lequel beaucoup de chantiers démarrent au même moment. De plus le lot B2 est enchâssé entre les deux autres bâtiments du macrolot. Nous avons développé deux types de préfabrication :

• les prémurs thermiques, en béton lisse et avec des menuiseries bois pour l’EHPAD et en béton texturé avec des menuiseries aluminium pour les logements. Compte tenu du programme et de la configuration du bâtiment, les panneaux sont tous différents

• des modules 3D pour les 100 salles de bains, dont le prototype a été mis au point spécifiquement avec 2 variantes du même module.

Le maître d’ouvrage Paris Habitat nous a soutenu sur les choix des dispositifs constructifs en acceptant par exemple, que les systèmes en prémurs et les modules intégrés de salles de bains ne fassent pas l’objet de variante de la part des entreprises. L’entreprise Sicra a joué le jeu. La préfabrication exige davantage d’études et de mises au point au départ, mais ensuite le bâtiment monte rapidement et dans son aspect final, ce qui est très valorisant. La phase de chantier est moins conflictuelle, pour nous, architectes car plus précise. Les conducteurs de travaux gèrent moins de corps d’état, moins de sous-traitants, valorisant leurs compétences de synthèse. Les avantages sont énormes…